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Au nom du climat, ces militants qui ont choisi de désobéir

Face à l’urgence climatique, de plus en plus de citoyens ont fait le choix de la désobéissance civile. Un concept datant de 1849 et qui se définit comme le refus assumé de se soumettre à une loi jugée injuste. Le plus souvent de manière pacifique. Boycott de marques, blocage d’usines ou encore refus d’effectuer une tâche au travail… Les actes de désobéissance civile sont protéiformes et ils séduisent de plus en plus.
Marie et Charlotte, membre du collectif ANV-COP21 © Marion Chaix

« Nous faisons des choses parfois illégales mais pour des causes légitimes » explique Marie, membre du collectif Action Non-Violente COP21 (ANV) de Marseille. Ce soir-là, le petit groupe organise un temps d’accueil dans un bar du centre-ville marseillais. L’occasion de recruter de nouveaux militants. « Comme souvent, ces temps de discussions sont l’occasion de sensibiliser des personnes qui au départ sont juste curieuses, mais qui finissent par nous rejoindre. » se félicite Marie. Pour elle, certains signes sont prometteurs : « Les gens se sentent de plus en plus concernés, et sont surtout intéressés par des luttes alternatives« . A Marseille, le mouvement non-violent en faveur du climat est encore timide. Il est né en octobre dernier et est principalement composé de jeunes femmes.

De dimension nationale, le collectif ANV-COP21 a été créé en 2015 et affiche pour objectif de « relever le défi climatique ». Il est né au lendemain de l’Accord de Paris, jugé « peu ambitieux et peu contraignant ». Par ses actions non-violentes, il dénonce les projets et politiques qui aggravent le changement climatique et il développe une approche pacifique. « Nous nous battons contre des injustices, des choses qui vont à l’encontre du bien commun » affirme Marie. Le plus souvent, ce sont les institutions qui sont dans le viseur.

ANV-COP21 revendique plus de 30 groupes partout en France, et organise des actions de masse. La dernière en date, « Le Tour Alternatiba » en partenariat avec le mouvement citoyen pour le climat et la justice sociale Alternatiba. Du 9 juin au 6 octobre 2018, 15 000 personnes ont participé au Tour Alternatiba, en parcourant 5 800 km à vélo et en traversant 200 territoires dans le but de promouvoir les alternatives au dérèglement climatique.

Stratégie de la non-violence

« Pas d’agressions verbales, pas d’agressions physiques et pas même un regard de travers » résume Charlotte, jeune membre du collectif ANV-COP21 Marseille. Nombreux sont ces militants climatiques, comme Charlotte, qui ont fait le choix d’une lutte pacifique. Parmi leurs modèles : Gandhi ou encore Martin Luther King. Et les moyens d’expressions non-violents sont nombreux : processions, marches, livraisons d’objets satiriques, fausses funérailles… « Tous les moyens sont bons pour faire passer des messages forts, notre démarche est symbolique, parfois même humoristique » détaille Charlotte.

« Cette méthode est basée sur le respect, l’écoute et l’entraide… elle permet de créer un dialogue, ce qui n’est pas forcément le cas de tous les moyens d’actions » ajoute-t-elle. La stratégie de lutte non-violente permet aussi de susciter l’intérêt de l’opinion public, souvent même d’obtenir son approbation.

« L’opinion publique est souvent plus en phase avec des actions non-violentes » constate Charlotte. Pour autant, ANV-COP21 ne diabolise pas l’usage de la violence dans les manifestations. « Toutes les stratégies sont efficaces. Nous, nous nous sentons plus à l’aise avec cette philosophie, mais nous ne condamnons pas pour autant l’usage de la force. Il existe une telle violence institutionnelle que la violence dans les manifestations devient tout aussi légitime. C’est la convergence de toutes les méthodes qui peut mener vers une réussite. » reconnaît-elle.

« Une alternative gagnante »

« La non-violence commence à trouver de la crédibilité et du sens aux yeux de l’opinion publique » se félicite Marie. De plus en plus d’activistes s’inscrivent même à des stages de désobéissance civile pacifique. Pour eux, les pétitions ou les marches ont un faible impact en France.

Plusieurs associations proposent ces formations. Les militants apprennent à coordonner des actions, à penser collectif et surtout à connaître les risques légaux qu’ils encourent. Parfois, les actions qu’ils mènent sont illégales mais les poursuites sont rares. Pendant ces stages, les militants s’exercent aussi à des techniques particulières de lutte. « Lors de mon premier cours, j’ai appris à faire le poids mort, puis ensuite le petit train » explique Marie en esquissant un sourire. « On nous explique comment nous étaler de tout notre corps sur le sol et nous nous lions les uns aux autres pour former une chaîne et rendre plus difficile le démêlage par la police. » détaille-t-elle. Et les initiatives non-violentes se multiplient. Vendredi 15 mars, plus d’une centaine de militants ont participé à une action à la Société générale dans le quartier de La Défense à Paris. Ils ont bloqué les entrées et sorties des locaux pendant plus de 3 heures pour dénoncer les investissements de la banque dans les énergies fossiles.

En 2017, des activistes avaient même remporté une petite victoire. La Société générale s’était engagée à cesser la production de pétrole issue des sables bitumeux et de pétrole en Arctique. « C’est définitivement une alternative gagnante » affirme Charlotte, membre de l’ANV-COP21 Marseille. « Avant, on nous prenait pour des clowns, maintenant on se sert de nos modes opératoires pour défendre des causes, c’est une belle revanche » se réjouit-elle.

Marion Chaix

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