LE 13 INFORMÉ

Le journal école du master journalisme de l'EJCAM

Guerilla greffeurs : croquer la ville à pleine dent

Depuis 2011, les Guérilla Greffeurs entendent rendre la ville comestible. Photo Guérilla Grafters, Nicolas Zurcher.

Importé des États-Unis, le mouvement guerilla grafters (guérilla greffeurs en français) greffe des branches d’arbres fruitiers sur les espèces stériles et d’ornementation qui sont plantées en ville. Objectif : faire pousser des fruits qui n’appartiennent à personne pour que tout le monde puisse en manger en zone urbaine.

Depuis 2011 à San Francisco, ce sont de bien particuliers guérilléros qui écument la ville en bande organisée. Exit les bérets, les treillis et les armes à feu : ces soldats-là combattent avec des branches, des scalpels et un peu de ruban adhésif…
Initié par Tara Hui, la quarantaine, modeste habitante d’une non-moins modeste banlieue de « Frisco », le mouvement entend au départ pallier le manque d’épiceries en exploitant les ressources à disposition. « Nous avons des dizaines de milliers d’arbres à San Francisco, explique l’instigatrice du mouvement. C’est une immense ressource dans laquelle puiser pour fournir de la nourriture. »
Dans une ville où faire pousser des arbres fruitiers est interdit, Tara a trouvé la parade : greffer des branches d’arbres fruitiers sur les arbres déjà existants, pour fournir en fruits frais les habitants de San Francisco. Et ça marche : plébiscitée sur les réseaux sociaux, l’initiative essaime rapidement dans tout le pays, comme le montre la carte fallingfruit, qui recense les greffes réalisées.

En France, la greffe tarde à prendre

Sur le Vieux Continent, l’initiative commence à bourgeonner. Guerilla Grafters a traduit en français son manuel expliquant comment effectuer des greffes en juin dernier, pour répondre à la demande de certains français motivés, comme ils l’expliquent sur leur page Facebook. Néanmoins, et même si en France on recense près de 4000 greffes (26 000 en Europe, contre 170 000 en Amérique du Nord), il reste difficile de trouver des greffeurs : « malheureusement je ne connais personne qui fasse cela de manière assidue et sérieuse, moi-même je souhaiterais me former mais n’ai pour l’instant absolument pas le temps » explique Julie, qui habite à Paris.
D’autres encore déplorent un manque d’information ou de communication. Contactée sur Facebook, une internaute se confie : « je ne connais pas l’action plus que ce que j’ai vu sur les réseaux sociaux. Néanmoins, je suis preneuse d’informations. Je serais ravie d’en lire plus sur le sujet ». Il faut dire que le mouvement Guerilla Greffeurs est un mouvement spontané, qui relève surtout de l’initiative personnelle.

Élaguer les a priori

Faire en sorte que la flore urbaine provienne aux besoins des habitants pourrait relever du simple bon sens. À tel point qu’on se demande pourquoi personne n’y a pensé plus tôt, et pourquoi n’y a-t-il pas d’arbres fruitiers en ville. « Ça dépend des villes, nous apprend le cabinet de paysagisme Vert Tige à Marseille. Il y a fruitier et fruitier. Par exemple, dans beaucoup de villes méditerranéenne ou ibérique comme Grenade, vous retrouvez des agrumes. Mais des prunes ou des pommes c’est beaucoup plus rare voire inexistant. » Et pour cause : sans compter l’entretien et le nettoyage, coûteux et chronophage, les fruits pourris et laissés sur les trottoirs attirent insectes et rongeurs. « C’est vrai que certains s’opposent à notre projet, et arrachent mêmes quelques greffons explique Tara Hui. Nous avons donc décidé de ne greffer que des arbres dont nous savons qu’ils seront entretenus, pour ne pas attirer de rats ni que des gens glissent sur des fruits décomposés. » Toutes les conditions seraient donc réunies pour que l’action s’épanouisse autour du globe. Il n’y a plus qu’à laisser le temps au temps, pour voir si les guérilleros du fruit feront florès ailleurs que dans leur jardin.

Auteur·trice

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *