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Irak : l’armée reconnaît un usage « excessif » de la violence face aux manifestations qui secouent le pays depuis mardi dernier

Des milliers de manifestants défilent dans les rues de Bagdad et au sud du pays depuis mardi dernier. Ils dénoncent le chômage, la corruption et la déficience des services publics. Le mouvement fait face à une répression violente, qui a fait plus de 100 victimes en six jours.

Des rues de Bagdad, la révolte s’est propagée dans la moitié sud du pays. (Photo Google images)

Alors qu’une nouvelle nuit d’affrontements entre forces de l’ordre et protestants a engendré 13 morts, le commandant militaire irakien a admis un « usage excessif de la force » ce lundi. « Il y a eu recours à une force excessive débordant des règles de l’engagement et nous avons commencé à demander des comptes aux officiers qui ont commis ces erreurs », précise le communiqué.

Depuis mardi dernier, un mouvement de contestation antigouvernemental a pris le chemin des rues de la capitale, ainsi que de plusieurs villes du sud du pays. Des affrontements ont notamment eu lieu dans le bastion chiite de Sadr city, dans la banlieue est de Bagdad, dans la nuit de dimanche à lundi. Les protestants ont tenté d’outrepasser un barrage érigé par les forces de l’ordre pour les empêcher de rejoindre la place Tahrir, lieu central de la ville et où se rallient les manifestants. Des vidéos montrent des policiers ripostant par des tirs à balles réelles, parfois venant de snipers.

Lundi, le premier ministre irakien Adel Abdel Mahdi a ordonné le retrait des troupes militaires, remplacées par des policiers à Sadr city. Il a appelé les forces de l’ordre à « s’en tenir absolument aux règles de l’engagement spécifiques à la protection des manifestants et à la gestion des émeutes ». En fin de matinée, le chef du Hachd al-Chaabi, un groupe paramilitaire chiite, a proposé son intervention au gouvernement pour empêcher « un coup d’Etat ou une rébellion ».

Un mouvement inédit qui défie le jeune gouvernement

Né sur les réseaux sociaux, ce mouvement de protestation a la particularité d’être non partisan et non confessionnel. Composé de jeunes chômeurs et majoritairement des hommes issus de quartiers pauvres, il se concentre pour le moment au sud du pays, majoritairement chiite.

Mardi, ils étaient plus d’un millier à réclamer du travail et des services publics fonctionnels. Tout au long de la semaine, le mouvement a pris de l’ampleur pour s’opposer plus largement au gouvernement actuel, en place depuis à peine un an. Plusieurs axes routiers majeurs ont été bloqués et des pneus ont été incendiés devant des bâtiments officiels.

Si le premier jour, les manifestants ont été dispersés par des canons à eau, des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc, la répression s’est durcie les jours suivants. Les policiers ont fait usage de balles réelles dès le mardi à Bagdad. Un couvre-feu a également été instauré dans la capitale et plusieurs villes du sud (mais levé samedi dernier) et le gouvernement a bloqué l’accès à Facebook le mercredi soir et à internet le jeudi.

Cela n’a pas empêché la propagation de vidéos, notamment de plusieurs journalistes, montrant des scènes de salves de tirs de policiers dans les rues de Bagdad.

Dimanche, le ministre de l’Intérieur faisait ainsi état de 104 morts depuis le début de la protestation, dont huit membres des forces de sécurité. Les affrontements sont aussi à l’origine de plus de 6000 blessés, toujours selon le ministre.

Alice Burgat

Auteur·trice