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Le journal école du master journalisme de l'EJCAM

La vélo-école, sociale et militante

L’association Vélos en Ville organise des cours de « vélo-école », tous les samedis matin. Il s’agit d’apprendre aux volontaires à faire du vélo, d’abord dans des zones piétonnes, puis en toute sécurité, dans la ville. Certains élèves découvrent les sensations de la bicyclette pour la première fois.

En ce samedi matin ensoleillé, si Jean enfile son gilet jaune, ce n’est pas pour aller manifester. Comme chaque weekend depuis plusieurs mois, ce Marseillais d’adoption suit avec quelques autres participants des cours de « vélo-école », dispensés par des bénévoles de l’association Vélo En Ville. Pour y participer, il suffit d’être adhérent à l’association.

Âgé de 46 ans, il n’a jamais appris à faire du vélo. Il y a quelques mois, il s’est inscrit à la vélo-école sur les conseils d’un ami. « Il était temps d’apprendre, avoue Jean en riant. Le but, à la fin, c’est d’acheter un vélo et de me déplacer avec en ville ».

En trois mois, Jean peut se déplacer en vélo en ville en toute sécurité. ©Lucie de Perthuis

Un attroupement de cyclistes se forme devant le parc Borély. En jaune, les élèves, de tous âges, genres et origines confondus. En orange, les moniteurs, ces amoureux de la bicyclette qui souhaitent transmettre leur passion. Parmi eux, se trouve Joanès, coordinateur de la vélo-école depuis 4 ans. « Il s’agit d’apprendre à faire du vélo à des gens qui n’en ont jamais eu l’occasion. D’abord au parc, puis en ville », explique fièrement le bénévole.

Aujourd’hui, le groupe, encadrés par deux moniteurs, part se balader le long des plages du Prado. Parmi les cyclistes, Samy, une jeune Malgache fraîchement arrivée à Marseille. Elle n’est jamais montée sur un vélo. Joanès va passer près de deux heures à lui apprendre les bases de la bicyclette.

L’élève doit avant tout apprendre comment fonctionne le vélo : les mécanismes des freins, des pédales, du guidon. ©Lucie de Perthuis

Un peu nerveuse mais manifestement excitée à l’idée de pédaler pour la première fois de sa vie, Samy enjambe sa monture avec détermination : « J’ai peur de tomber mais je vais tout faire pour y arriver », affirme la jeune femme à l’accent charmant. Le moniteur lui apprend d’abord à comprendre les mécanismes du vélo, à freiner, puis à s’élancer en patinant des pieds. Après d’une heure d’efforts, elle donne ses premiers coups de pédales. Elle n’a jamais eu l’occasion de faire du vélo à Madagascar : « C’est pas comme vous, c’est pas dans notre culture. Le vélo à Mada, c’est pour les riches», déplore Samy. La vélo-école représente donc pour elle la chance unique de rattraper le temps perdu et peut-être devenir une adepte du deux-roues. Les cours sont gratuits, il faut simplement adhérer à l’association Vélo En Ville, ce qui revient à 16 euros par an. Chacun peut apporter son vélo, ou bien le louer à bas prix dans l’enseigne partenaire.

Sous l’impulsion de l’engin, le visage de Samy s’illumine, on croirait voir un enfant qui fait ses premiers pas. Joanès, ému, confie : « c’est ça notre récompense ». Selon ce moniteur dévoué, plus de la moitié des élèves pédalent en moins de 2 heures. « Il faut imaginer le visage de quelqu’un qui a 40 ans de frustration parce que ses frères pouvaient faire du vélo et pas elle, et qui découvre ces sensations magiques », explique le responsable. Joanès a constaté que ses élèves débutants sont majoritairement des femmes adultes, n’ayant pas forcément eu le droit de faire du vélo dans leur pays d’origine, et qui veulent jouir de cette liberté en France.

En moins de deux heures, un élève débutant peut apprendre à pédaler sur une ligne droite. ©Lucie De Perthuis

Il s’agit aussi d’aider certaines personnes, comme Constantine, à affronter leurs peurs, parfois dues à des traumatismes. Cette mère de famille a été victime d’un grave accident de vélo lorsqu’elle était enfant. Elle n’est pas remontée en selle avant ses 37 ans. « J’ai réalisé que ma fille de 5 ans savait faire du vélo et pas moi », se rappelle-t-elle en souriant. Elle s’est donc inscrite à la vélo-école, et a pu retrouver ses réflexes en trois séances, grâces à des moniteurs « adorables et patients ».

Des histoires et des personnalités différentes, réunies pour une seule et même raison : apprendre à pédaler en toute sécurité, et dans la bonne humeur.

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Lucie DE PERTHUIS

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