LE 13 INFORMÉ

Le journal école du master journalisme de l'EJCAM

Refondation : un humaniste dans l’arène (politique)

Crédits : Valentin Pacaud

Le 17 et 18 novembre dernier, le parti politique Refondation se lançait autour d’un séminaire de deux jours. Parti personnaliste, il veut tracer une troisième voie face au capitalisme et le marxisme : celle de l’humanisme.

La rue est déserte. Près des cordons de préventions, à peine quelques voitures s’égarent aux abords des bâtiments qui courent le long de Seine. Un sentiment de vide et vertige vous envahit doucement à mesure que la rigueur hivernale s’approche. Serait-ce un appel… d’air ?

Au 31 quai de la Seine (19ème arrondissement Paris), il est 9h. Et en ce 18 novembre, un parti politique (un énième) accouche, prêt à connaître les premiers moments de son existence. Le nom fait peut-être écho à cette image : Refondation. Rien que ça. Après les Marcheurs, il y aurait donc les Refondateurs, un parti politique qui se voudrait, ni de gauche, ni de droite. Un parti modeste qui se veut humaniste et progressiste, celui du « lien et du partage » comme on peut le lire sur leur site. Un parti qui voudrait faire renouer la France d’en haut avec celle d’en bas : tout un programme et rien que ça, tout en se jouant des oppositions binaires, socialiste/libéral, progressiste/conservateur, écolo/industriel…etc.

Aux murs, Thierry Ardisson, Fréderic Lopez, André Manoukian…et Plantu.

Un choix d’ailleurs qui ne sera pas sans une pointe d’ironie quand on entre dans les quartiers qui accueillent ces deux jours de séminaires, à partir desquels l’ersatz d’un programme politique nous est promis. En apparence, rien d’anormal. Une entrée qui se fond dans le décor d’une barre d’immeuble grise et morne. Mais à mesure qu’on se rapproche, des visages affichés à l’intérieur attirent le regard sur des fonds orangés. Nous sommes en réalité à Sup de pub, une école privée de communication. Et ce sont les têtes d’illustres hommes du peuple qui y sont affichées, d’anciens intervenants venant ajouter à la gloire indiscutable des lieux : Thierry Ardisson, Fréderic Lopez, André Manoukian, Jacques Seguela (vous savez, l’homme qui a réussi sa vie par la simple force d’une Rolex pré-quarantenaire, ou le théoricien habile du clodo smicard)… Ça fait rêver. Ah, il y a quand même un intrus : Plantu, caricaturiste au Monde assit sur une chaise et entouré d’étudiants. L’air rieur, il semble se prêter volontiers au jeu qu’on lui propose, et nous on se demande ce qu’il fout là. Passons.

Dans le hall d’entrée, de Sup de Pub

Une fois les lieux pénétrés, le cocktail du matin donne le ton entre les petits fours, les costumes trois pièces, les hauts talons et les tailleurs soignés d’un récent passage au pressing, les croissants en pagailles et en libre-accès. Même les étudiants portent des cravates. Si la France d’en haut voulait renouer avec celle d’en bas, elle devait ne pas s’être levé bien tôt cette fois-ci. Qu’importe. Après tout, les lancements de parti politique nécessitent tous un entre-soi de départ pour former un programme commun. « Rassembler des personnes qui partagent un cercle commun, se les faire rencontrer et apprendre à se connaître pour qu’ils puissent s’étendre à d’autres personnes », glisse Philippe de Roux, porte-parole de Refondation. A 10h, cette foule de 70 personnes s’engouffre dans un petit amphi aux murs ornés par le portrait des bienveillants Thierry Ardisson et André Manoukian.

En augmentation, le nombre de cancers et d’électeurs de Marine Le Pen

Le jeu, c’est celui de la table-ronde. Pendant deux jours, spécialistes, universitaires et même journalistes exposent leur sentiment sur un thème particulier (écologie, démocratie participative, place du Capital, lien entre les individus, etc). A ceux qu’ils nomment modestement « Grands Témoins », le public peut leur poser des questions par le biais subtile de papiers circulant dans l’assistance.

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9h30, entre les murs de Sup de pub, école de communication.

Objectif : poser un bilan, souvent catastrophique, et trouver des solutions. « On ne va pas pondre un programme politique en un week-end », blague quand même Patrick Tivollier, président du groupe. Un président lyrique qui n’hésite pas à citer Aznavour face aux périls des temps modernes lors du début de la réunion : « hier encore, 20 ans, je caressais le temps », avant de se ressaisir pour les dénoncer. En cause, « l’individualisme sans vision » ou encore «  le goût de la tactique  qui bloque les élans collectifs pour de grands desseins ». Patrick Tivollier dresse un bilan pour le moins sombre. Il nous parle de l’augmentation des crimes et délits, juxtapose l’augmentation du nombre de « cancers et [des électeurs] de Marine Le Pen » et conclut un brin ironique « ça doit être ça le progrès ».

De gauche à droite, les "Grands témoins" : Kevin Victoire (le revue Le Comptoir), Charles-Henri (refondateur), Adrien Pabst (Professeur de sciences politiques - Université de Kent), Raphaël Souchier (Anthropologue, Colibris)
De gauche à droite, les « Grands Témoins » : Kevin Victoire (le revue Le Comptoir), Charles-Henri (refondateur), Adrien Pabst (Professeur de sciences politiques – Université de Kent), Raphaël Souchier (Anthropologue, Colibris)
Des communautés créatives face aux communautés identitaires.

A terme, les propositions se font plus idéalistes que réalistes. Le parti n’en est qu’à ses soubresauts et se rêve avant d’être. A l’image de cette proposition de la part de Kevin Victoire, chef de la revue écolo Le Comptoir : « face à l’urgence écologique, il faut imposer la règle Verte ». C’est-à-dire imposer des normes de productions et de consommations mondiales de manière à ne pas consommer plus que ce la terre ne produit en un an. Cette année, le Jour du Dépassement c’était le 2 août. Une évidence face à l’urgence mais impossible à réaliser dans l’état actuel…

L’idéalisme, une condition nécessaire pour les membres de Refondation, principalement issus du mouvement les Poissons Roses. D’ailleurs, Régis Passerieux, secrétaire général du Parti, était candidats à la dernière primaire du PS pour la présidentielle.

Un mouvement politique proche du Parti socialiste mais surtout héritier du personnalisme d’Emmanuel Fournier, l’homme de la troisième voie proposant l’humanisme comme alternative au capitalisme et au marxisme. Un humanisme qui se voudrait avant tout laïc. L’ironie sera que deux pasteurs évangéliques sont présents, dont un membre officiel du parti. L’humanisme a ses limites notamment sur certains thèmes comme la Procréation maternelle assistée (PMA), que ses premiers adhérents refusent. Un progressisme à double vitesse et à réguler. Mais rien d’étonnant si on ne s’y retrouve pas. En soulignant l’éclatement gauche-droite, le parti prétend refonder les oppositions. Le nouveau face à face, c’est celui des « communautés créatives, ouvertes et cosmopolites » et « communautés identitaires », estime Philippe de Roux.

La montée décomplexée des identitaires en Europe et en France (cf. Génération Identitaire) refonderait-t-elle durablement les champs d’affrontements du politique ? Cela reste à voir. Pour l’heure, le parti ne dépasse pas les 500 likes ou abonnés sur Facebook et Twitter.

Une visibilité qui reste encore à gagner et où le parti devra clarifier ses positions…pour éviter toute confusion. Une confusion d’ailleurs qui, ironiquement, pourrait bien passer par le choix du logo…ça ne vous rappelle rien ?

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Valentin Mirbeaux

Auteur·trice