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Chandeleur : à Marseille, cap sur les navettes

"Bénies par le Cardinal Aveline au matin de la chandeleur, les premières fournée de navettes sont dilapidées par les Marseillais ". Crédits E.H.

Tous les ans, les fidèles se réunissent sur les quais du Vieux Port pour assister à la bénédiction des biscuits saints.

Les coins des yeux sont encore jaunes du réveil. Les discussions, rase-moquettes. “Il fait bon pour 5 heures, non ?”, lance-t-on sans envie entre deux bâillements. L’assemblée acquiesce sans plus d’enthousiasme. Au petit matin du 2 février, sur le Vieux Port de Marseille, l’ambiance “chandeleur” a du mal à émerger.

Une centaine d’individus, mi-habitués, mi-tombés du lit, sont venus clôturer les fêtes calendales, entamées quarante jours plus tôt. Avec une touche locale : exit les crêpes, détrônées par les navettes. De longs biscuits (très) secs à la fleur d’oranger dont la forme rappelle la barque avec laquelle les Vierges Maries ont accosté les côtes de Provence.

Procession et bénédiction

Tous les ans, c’est pareil, récite Mireille, coutumière de la programmation. La tradition païenne veut qu’avant les premières lueurs du jour, les croyants accueillent l’Évangile. Elle est apportée depuis la mer par Monseigneur Aveline, l’archevêque de la ville, en référence à la légende.

Peu de suspens, mais une ferveur intacte. Lorsqu’à l’horizon, se distinguent les premiers reliefs de la navette sainte, les animations sont déclenchées une à une. Les scouts embrasent une poignée de torches, qu’ils amènent vers le rivage.

Une brève prière, puis les reliques sont déplacées en direction de l’abbaye Saint-Victor, où sont bénis la ville et les cierges verts – autre symbole provençal chérit des Marseillais.

La course aux biscuits

La foule se déplace en masse uniforme, presque sans un mot. Seules sonnent les louanges, entonnées par la chorale. C’est dans ce même silence pieux que chacun assiste à la messe.

Puis, tout bascule. Les jeux de coudes. La course. Le cardinal est entraîné devant le Four des Navettes, la plus vieille boulangerie de la ville, pour bénir les premières fournées de biscuits. Une salle relativement petite, dont le moindre millimètre carré est occupé par un pèlerin. Ça pousse, ça râle. Des étouffes-chrétiens, il n’en restera plus un.

“Il faut ce qu’il faut”

Derrière le comptoir, l’équipe ne tremble pas. Chacun son rôle. Les boulangers cuisent, les petites mains remplissent les sacs de douze, les caissiers les distribuent. Le ballet est orchestré à une cadence remarquable.

Il y en aura pour tout le monde”, tempère-t-on face à la gronde. “Peut-être, mais nous étions là avant !”, tonne-t-on de plus belle. “Il faut ce qu’il faut, désespère Catherine. Pour nous, c’est un passage familial obligé. Ma mère était déjà là en 68. Et puis, j’en prends pour tout le monde : la tante, la fille…

Les navettes seront englouties… accompagnées d’un grand verre d’eau.

Auteur·trice
Estelle Hottois

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