LE 13 INFORMÉ

Le journal école du master journalisme de l'EJCAM

Christian Qui, le précurseur de la bonne pêche

Le chef marseillais prône une cuisine éco-responsable, notamment à travers la biodiversité marine. Une conception environnementale qui donne sens à son art au quotidien. Le 13 informé l’a rencontré.

Quand on ouvre les portes de son restaurant “Bouillabaisse Turfu”, à quelques pas du Vieux-Port, on est directement propulsé dans un univers atypique. Des odeurs de coriandre, de menthe, mais surtout de poissons. Ce monde aux aspirations asiatiques, c’est celui de Christian Qui. Un chef marseillais réputé pour avoir une conception éco-responsable en cuisine. L’ancien propriétaire d’un bar à sushi est un véritable passionné du monde marin. Pour préparer le service du midi, une gigantesque muge noire, idéale pour la préparation d’un chirashi, trône sur son plan de travail. “Elle a été pêchée au large ce matin”, sourit le chef Qui. “Tous les jours, je me rends dans trois marchés différents. D’abord, ceux du Prado et de Noailles pour les fruits, légumes et plantes aromatiques. Puis, au marché aux poissons sur le Vieux-Port”

Satisfait de cette belle prise, la pêche n’était pourtant pas très bonne ce jour-là. En plein pendant la dixième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, les pêcheurs n’ont pas pris le risque de mettre en vente leurs récoltes du jour. Seul l’un d’entre eux a osé s’installer à côté de l’ombrière et a surtout permis à Christian Qui de se fournir en poissons. “Je travaille avec des petits pêcheurs, qui ne sont pas des adeptes de la pêche intensive, mais plutôt de la pêche durable. Mais pour que ma connaissance soit la plus large et la plus actuelle possible, je travaille également avec des scientifiques. Pourquoi la taille de la sardine a diminué ? Pourquoi il y en a moins ? Quelles sont les espèces en danger ?”

Et après la théorie, il s’attaque à la pratique. “J’essaie de mêler deux choses : la biodiversité et la cuisine. J’ai vu la biodiversité se transformer. Du coup, j’adapte ma carte en fonction des caractéristiques actuelles de la mer. Et je me suis demandé en tant que cuisinier, qu’est-ce que je peux faire dans mon assiette ? Je ne voulais pas empoisonner mes clients à cause de la pollution”, souligne le restaurateur marseillais. 

“J’essaie de donner du sens à ma passion”

Une telle réflexion environnementale n’est pas innée. Pour Christian Qui, c’est le fruit de plusieurs années de recherches aux côtés d’anthropologues et de rencontres avec des chefs précurseurs. “Quand j’ai habité en Italie à la fin des années 1980, de nombreux chefs italiens m’ont inspiré. C’était en plein pendant le mouvement Slow Food. Ça m’a permis d’ouvrir les yeux sur notre monde”, reconnaît le cuisinier engagé. Il fait partie de cette génération de chefs qui ont retrouvé le contact avec la nature, alors que les premières grandes chaînes de restauration rapide s’installaient sur le Vieux continent. Des enseignes que l’on critique toujours pour avoir un impact néfaste pour notre corps.

“Pour moi la cuisine, c’est amener de la beauté, du bon, du goût, mais aussi de la santé. Si l’on peut bien nourrir les gens et de manière saine, j’ai rempli ma mission. J’essaie de donner du sens à ma passion”

Plus qu’une passion même, la cuisine éco-responsable est devenue un style de vie qu’il assume complètement. “Je ne fais pas ce métier pour pousser un chariot. Sinon j’arrêterai demain”, ajoute Christian Qui. Sur Marseille, peu de cuisiniers accordent plus d’importance à l’environnement qu’au reste. Beaucoup se lancent dans la course aux étoiles dans une ville qui possède peu d’acteurs locaux dans le Guide Michelin. Ils passent plus de temps derrière leurs fourneaux pour créer de nouvelles recettes et ne prennent plus le temps de retourner au contact des produits.

“On est un métier en tension. La plupart des cuisiniers vont être livrés pour gagner du temps. Je ne suis pas là pour donner des leçons aux autres chefs, mais aller dans les marchés paysans garantit une certaine fraîcheur et qualité. Mais aujourd’hui, ils veulent recevoir leurs produits le plus rapidement possible. Quitte à ce qu’ils utilisent des aliments de moins bonne facture”, déplore le défenseur de la pêche locale. Aujourd’hui, la coopérative « ADEAR 13 » s’engage à ce que les valeurs de l’agriculture et de la biodiversité marine soient respectées sur les marchés marseillais.

“On devient fainéant”

Pour ce grand défenseur de la biodiversité marine, la question de l’alimentation est devenue un problème majeur dans notre société. “Les individus culpabilisent beaucoup lorsqu’ils réalisent leurs achats. Mais l’exploitation des ressources fait partie d’un système bien plus grand que nous. Se nourrir avec des produits de qualité de nos jours, ça coûte de l’argent. Les poissons n’ont jamais atteint des prix aussi élevés, parce que la mondialisation s’est tellement développée”

Selon une étude de Squikit, une entreprise française portée sur la gestion des repas au quotidien, 57,7% des français “passent moins de trente minutes en cuisine à préparer leur repas”. Avec les plateformes de livraison comme Uber Eats, on devient fainéant. Cette cuisine nous éloigne de l’environnement. Du coup, on perd un savoir-faire culinaire qui nous a toujours permis de savoir ce que l’on mange dans notre assiette”, regrette Christian Qui.

Il travaille au quotidien, avec son association “Bouillabaisse Turfu”, pour reconnecter les Marseillais aux produits frais en les incitant à se rendre sur les marchés locaux. Mais le chef marseillais craint particulièrement que ces traditions s’essoufflent. “Les marchés disparaissent, les pêcheurs vieillissent et personne ne prend le relais derrière. On perd des valeurs traditionnelles, qui pourraient résoudre nos problèmes d’alimentation et de respect de l’environnement”

Malgré une conscience écologique en constante progression chez les Marseillais, ces derniers doivent encore faire des efforts pour se mettre au vert dans leurs habitudes alimentaires. Le protecteur des mers espère voir davantage de ses concitoyens mettre les poissons au fond des filets. 

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6 thoughts on “Christian Qui, le précurseur de la bonne pêche

  1. Hi Christian ! How are you ?
    Long time since last meeting !! .
    Do contact me at the e-mail above .
    Best wishes Robin

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