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Handicap – « Tu m’aimes, je t’aime, désolé : tu dois me prendre en charge »

Les associations réclament depuis plusieurs années la modification du système de calcul de l'Allocation aux Adultes Handicapés. Crédit : Pixabay

Mardi 9 mars, le Sénat a adopté une proposition de loi pour que l’Allocation aux Adultes Handicapées (AAH) ne soit plus calculée selon les revenus du conjoint. L’objectif : rendre leur autonomie aux personnes en situation de handicap qui vivent en couple. À Marseille, Patrice attend depuis plusieurs années ce changement.

« Quand on est handicapé, c’est déjà difficile de trouver quelqu’un, si en plus il faut que ma conjointe me prenne en charge, ça devient impossible ! » Pour Patrice, dans un fauteuil roulant depuis 19 ans, le système de calcul de l’Allocation aux Adultes Handicapés (AAH) est injuste.

Cette allocation n’est pas calculée sur les revenus personnels du bénéficiaire, mais sur ceux du ménage. Résultat, certains perdent leur AAH en se mettant en couple. Alors, comme plusieurs de ses amis en situation de handicap, Patrice a décidé de mentir pour ne pas perdre son allocation.

Pendant 10 ans, Patrice a vécu dans le même appartement que sa compagne. Ils n’ont pourtant jamais rempli ensemble leur feuille d’imposition, car elle gagnait suffisamment bien sa vie, pour qu’il perde son allocation. Le Marseillais ne voulait pas dépendre de sa compagne : « J‘aurai même dû lui demander de l’argent pour m’acheter des vêtements. Et puis, comment aurions-nous pu vivre avec un seul salaire ? » L’amour ou l’autonomie financière : un choix cornélien pour les personnes en situation de handicap, deux fois plus touchées par le chômage.

22 % des allocataires vivent en couple

Patrice garde de cette période un souvenir amer : « J’avais peur d’être réveillé un matin par un contrôle de la CAF». Alors, pour lui, difficile de se projeter dans l’avenir : en se mariant ou en ayant des enfants, il ne pourrait plus cacher un concubinage

En France, officiellement 22 % des allocataires sont en couple. Les associations de soutien aux personnes en situation de handicap, mais aussi des associations féministes, militent depuis des années pour la fin de la conjugalité dans le calcul de l’AAH.

Le 9 mars, le Sénat a voté pour l’individualisation de l’allocation. Selon Philippe Mouiller, rapporteur du projet de loi, 196000 ménages seraient gagnants avec ce nouveau calcul. Pour les 44000 perdants, un mécanisme de transition de 10 ans est prévu : l’AAH continuera à être calculée selon les revenus du ménage.

Le gouvernement opposé au changement de calcul

Le chemin est encore long : il ne s’agit que de la première lecture du texte. Au moment du vote, la secrétaire d’État aux Personnes handicapées, Sophie Cluzel, a refusé que l’AAH ne dépende plus des revenus du ménage. Une position qu’elle a déjà tenue lors de son audition au Sénat, le 18 février dernier.

Cette opposition du gouvernement pourrait peser lors de la seconde lecture du projet de loi à l’Assemblée nationale, pour laquelle aucun calendrier n’est encore fixé. Les Marcheurs qui forment la majorité parlementaire ont la possibilité d’empêcher le changement de calcul.

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