LE 13 INFORMÉ

Le journal école du master journalisme de l'EJCAM

Ibeyi : Stranger / Lover

©Andy Millet

Des sœurs aux rythmes envoûtants, aux paroles enivrantes, aux sonorités percutantes. À travers les titres de plusieurs morceaux, les jumelles nous transmettent leurs peines et leurs espoirs. Tracklist des morceaux qui nous font vivre leurs histoires.
Lisa-Kaindé (à gauche) et Naomi (à droite) étaient explosives sur la scène de la Fiesta des Suds à Marseille le 11 octobre. © Andy Millet
  1. Faithful

Fidélité. Dans les paroles surtout. Dans les mélodies aussi. Naomi et Lisa-Kaindé Diaz habitent leurs textes. La première danse comme elle respire. Brûlante, envoûtante, extravertie, elle anime, provoque des émotions. La jeune Parisienne aux yeux de chat joue aussi du cajón, instrument cubain hérité de son père, Anga Diaz, percussionniste du groupe Buena Vista Social Club à la fin des années 1990. Aux chœurs et aux percussions, Naomi s’envole. Au contraire de sa sœur. Coupe afro, style déjanté, accordés à sa voix douce, à sa timidité mais à ses paroles percutantes, Lisa-Kaindé est la créatrice du groupe. Au piano, à l’écriture, au chant, elle est « fidèle » à son passé, à son histoire, à ses origines. D’une mère française, d’origine vénézuelo-tunisienne, et d’un père cubain, ses écrits multiculturels se veulent sincères. « Come close to me, I will be true, I wouldn’t stand losing you. Be faithful, show me loyalty. »

  1. Mama Says

Âmes déchirées. Au premier abord, les paroles dévoilent des âmes torturées, peinées, voire fragiles. Dans River, où elles demandent aux rapides d’emporter leurs chagrins, ces « feuilles mortes », et de laver à nouveau leurs âmes.  Dans Mama Says, « The Man is gone and Mama says, that she can’t live without him. » Morceau qui parle de la mort. Comme Fly, Ghosts ou Valé. Des textes spirituels, hantés même. « You were born under a star. In the sky she lives now, protecting you. »

Devant des fonds souvent sombres et inquiétants, les jumelles lient la scène à leurs textes, qui traitent de la mort de leurs parents. © Andy Millet
  1. Deathless

Energiques. Leurs paroles lourdes et poignantes ne cachent pas leurs caractères. Différentes, elles se ressemblent pourtant beaucoup sur scène. Spontanées et percutantes, elles nous entraînent dans leurs mélodies latino. Rythmes autant R’n’B que soul, chants afro et religieux, électro et traditionnels, leur diversité de styles retrace leurs vies si riches malgré leur jeune âge. A 23 ans, leurs musiques épousent des racines multiples. De la soul africaine, des accords syncopés de jazz, à contretemps des percussions cubaines et des rythmes de carnaval. Leur vivacité et leur fougue transparaît tant sur scène que dans leur instrumentale, sans oublier leurs origines et leur identité. « Whatever happens, whatever happens, we are deathless, we are deathless ! »

  1. Transmission

Héritage. Elles chantent leurs racines, leurs personnalités. Transmission, par exemple, aborde les valeurs que leur père a gravé en elles. Elles chantent en yoruba, langue tonale nigéro-congolaise que parlait leur père. Liberté, ouverture d’esprit, émancipation. De la traite esclavagiste à la défense du féminisme, Naomi et Lisa-Kaindé chantent des mélopées yoruba « parce que les esclaves déportés à Cuba ont réussi à transmettre en secret leurs chants. Nos voix portent leurs histoires. » Dans No Man Is Big Enough for My Arms, elles reprennent une partie du discours contre le sexisme de Michelle Obama. Affirmées, engagées et même habitées, leurs textes révèlent leurs convictions. « Transmission, lighting in the layers of the past, at last. »

Sur la scène Mer de la Fiesta des Suds, Lisa-Kaindé vibre chante au rythme des percussions du cajón de sa sœur. © Andy Millet
  1. Ibeyi

Religion. Leurs chants sont des invocations, des prières. Possédées, les sœurs nous invitent à les rejoindre, à être en communion avec elles. Les accords et les rythmes rentrent dans nos têtes et n’en sortent plus. Les jumelles s’inspirent de leurs coutumes yoruba, culture importée par des esclaves béninois et nigériens à Cuba. Et chacune y trouve son orisha, son dieu. Changó, la foudre, pour Naomi, Yemayá, la mer, pour Lisa- Kaindé. Des opposées qui parlent de leurs regrets, de leurs peines, de leurs souvenirs. Mais aussi de leurs joies, de leurs foi et de leur amour. Des ressentis et des croyances pas si différents. « Stranger / Lover, come heal in my arms. Today is a new day, we’ll throw our regrets away. »

Lilian Veyet

Auteur·trice