Le nerf de la paix

Quand il s’agit d’apprendre à vivre en autonomie, c’est-à-dire apprendre à tout faire, l’Éducation nationale est aux abonnés absents. Les formations privées germent ici et là, souvent portées par des communautés qui font valoir leur expérience de la collectivité. Mais la clé des champs a presque toujours un prix.
La communauté Damanhur, en Italie, facture 350 euros les 10 jours. Encore plus chère, la fondation écossaise Findhorn, qui fait débourser plus de 850 euros par semaine pour “expérimenter les activités quotidiennes de base d’une communauté dynamique.” Le prix d’une réputation internationale.
Du côté des low cost, l’association FEVE (Formation & Expérimentation au Vivre-Ensemble) ne demande que 1450 euros pour une formation en immersion qui peut durer jusqu’à 11 mois à temps plein. Une formation “complète sous contrat” au tarif “particulièrement bas afin de ne pas être excluant.”

« Des projets magnifiques se cassent la figure parce que les humains n’arrivent pas à s’entendre », voilà qui ne fait aucun doute pour Joseph Legland, co-fondateur de la FEVE. « En groupe, c’est toujours un peu brouillon. Dans notre communauté de l’Arche à Saint-Antoine l’Abbaye, nous n’étions ni pédagogues ni universitaires. On a quand même eu envie de transmettre notre expérience. » De là est née la FEVE longue, inaugurée en septembre dernier.

La formation ? Un véritable parcours du combattant rythmé par la vie de la communauté. Une participation forfaitaire de 600 euros est demandée pour la pension complète, pour 8 à 11 mois d’apprentissage. Communication non-violente, émotions, gestion des conflits et autres sujets relatifs au « vivre-ensemble » sont traités par des intervenants tels que le psychothérapeute Thomas d’Ansembourg. Les « féveuses » et les « féveurs » ne sont pas notés. Responsables de leur apprentissage, ils s’efforcent de suivre leur propre voie, après l’avoir planifiée dans un « contrat d’objectifs personnels ». L’association FEVE encourage “ceux qui le peuvent à une participation complémentaire sous forme de dons. Elle en a besoin pour vivre.”
Avec Sacha et Célie, 27 et 35 ans, la bonne parole a porté ses fruits. Pour Célie, c’est « l’envie d’avoir des outils et des repères qui m’a amenée au parcours FEVE. » Tous les deux ont expérimenté l’ancêtre de la FEVE longue et aujourd’hui, ils volent de leurs propres ailes. « Créons-nous » est le nom du lieu de vie collectif qu’ils sont en train de développer ensemble. « Autour du partage, du travail sur soi, de la bienveillance, du respect du vivant, de la célébration de la vie, de la permaculture ainsi que de la sobriété heureuse. » Et plus si affinité ?
Emmanuelle et Michel Philippo sont d’anciens enseignants. Quand ils sont venus s’installer en 2006 à Eourres, petit éco-village de la Drôme provençale, c’est tout naturellement qu’ils ont décidé de fonder un “Centre de formation et d’éducation à l’environnement”. A travers leur association LESA (Liens, Enseignement, Sens et Autonomie), le couple s’est investi d’une mission : « faire découvrir des savoir-faire anciens dans les domaines de l’éco-construction et de la biodiversité domestique. » Pour faire vivre cette association, ils ont invité des volontaires et se sont eux-mêmes salariés.
Michel et Emmanuelle Philippo ont fait un pari qui paye. Enseigner, en 3 mois seulement, à « se nourrir, se loger et cueillir ce qui nous entoure. » Faire cuire son pain. Confectionner un panier. Bref, vivre gratuitement, à grand renfort d’ateliers bouturage, charpente, plantes médicinales, permaculture et enduits de corps. A la limite du fourre-tout, le programme de la formation Sens & Autonomie aspire à la complétude. À trente-cinq heures par semaine en moyenne, les élèves de LESA découvrent les joies de « se soigner en mangeant » ou de construire des « toilettes sèches à litière bio-maîtrisée ». Tendance.
Crédit photo : Hoerwin
Télécharger le programme 2017 de la formation
Djannick est Belge et « mordu d’écologie ». Il bénéficie de la formation d’Eourres en service civique, c’est-à-dire qu’il ne paye rien et est hébergé dans une chaumière miniature. En contrepartie, il participe à certains projets de la communauté. Tout en préparant le sien, un « voyage au Népal pour aider les populations à se reconstruire après le séisme. »
Pour la co-fondatrice Emmanuelle Philippo, « il est important de laisser aux gens la possibilité de faire avancer leurs projets au cours de la formation. » Il y a par exemple celui d’Aurélien : « construire une maison écologique avec peu d’argent. » Il est persuadé que c’est possible, “à condition d’apprendre à bien le faire.” Mais, en dehors des services civiques, cette économie a un prix : 2500 euros hors hébergement et nourriture, avec acompte de 750 euros. Et pour ce prix-là, n’espérez pas échapper à la sainte trinité académique : lettre de motivation, CV et entretien.
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