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Le réchauffement climatique va aggraver les tensions sur l’eau

Avec deux milliards de personnes toujours privées d’eau potable, l’accès à cette ressource est plus que jamais un enjeu majeur de développement dans le monde. Mais le réchauffement climatique pourrait venir enrayer les progrès effectués ces dernières années. 

Ces paysages pourraient devenir courant- Crédit photo: Pixabay

Deux milliards de personnes dans le monde n’ont toujours pas accès à un service d’eau potable sûr. Quatre milliards font face à une pénurie grave d’eau au moins un mois par an. Le dernier rapport de l’Unesco révèle la persistance des inégalités mondiales en matière d’accès à l’eau.

La ressource indispensable à la vie cristallise autour d’elle toutes les fractures. Un quart des régions d’Afrique subsaharienne seulement est équipé de services d’eau potable performants, contre 94% de celles d’Europe et d’Amérique du Nord. Ceux qui manquent le plus d’eau potable sont souvent ceux qui manquent le plus du reste : les femmes, qui sont également celles qui passent le plus de temps à collecter l’eau dans les régions où elle n’est pas accessible, les habitants de bidonvilles, les peuples autochtones, et enfin les réfugiés et déplacés. Ces derniers rencontrent souvent des difficultés à accéder à l’eau et à l’assainissement. Fin 2017, leur nombre était estimé à 68,5 millions. L’absence d’eau pure tue : chaque année, 780 000 personnes meurent du choléra et de la dysenterie.

Ces chiffres inquiétants sont en baisse. En 2000, 19% de la population mondiale n’avait pas accès à un service d’eau potable élémentaire. En 2015, malgré l’augmentation de la population, ce nombre était descendu à 11%.

Mais la tendance pourrait s’inverser. La ressource en eau est limitée. Or, depuis les années 1980, la demande mondiale en eau augmente d’1% tous les ans. L’accroissement de la population, et le développement, expliquent cette hausse, qui devrait continuer jusqu’en 2050. Une trentaine de pays, représentant 2 milliards de personnes, est en situation aujourd’hui de stress hydrique élevé : la demande en eau y dépasse les ressources disponibles. Ce nombre pourrait augmenter dans les années à venir.

586 millions de personnes de plus en manque d’eau en cas de réchauffement de 2°c

Ce contexte déjà tendu risque en effet d’être aggravé par la crise climatique. Dans son dernier rapport, le Groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) prévoit une augmentation de la température mondiale d’1,5°c, par rapport aux températures pré-industrielles, entre 2030 et 2052. Sans réaction politique forte, le réchauffement peut atteindre 2°c. Et ce demi-degré aurait un impact certain.

Selon le Giec, en cas d’augmentation de 2°c de la température, 8% de la population mondiale serait alors exposée à une situation de manque d’eau nouvelle ou aggravée. Cela représente 586 millions de personnes. Si le réchauffement climatique reste contenu à 1,5°c, le nombre de personnes touchées sera deux fois moins important.

Le réchauffement risque par ailleurs d’accentuer les inégalités climatiques : les zones sèches devraient en effet devenir encore plus sèches, et les pays où les précipitations sont importantes devraient être plus humides également.

Des effets multiples liés au changement climatique

Cette tendance rend plus probables les catastrophes naturelles, dont 90% sont liées à l’eau. Le réchauffement climatique peut donc se manifester par une augmentation des phénomènes climatiques extrêmes, type cyclones, ou des inondations. Dans d’autres régions, il se manifestera par un accroissement des sécheresses. Entre 1995 et 2015, 22 millions de personnes sont décédées à la suite d’un phénomène d’aridité.

Chaque année, les événements climatiques provoquent le déplacement de 25,3 millions de personnes, à l’intérieur de leur pays ou entre pays. La crise climatique peut mener à un accroissement de ces migrations, et à une plus forte vulnérabilité des populations. L’accès aux ressources en eau est également un enjeu géopolitique majeur : les tensions autour de l’accès aux eaux des fleuves transfrontaliers ou des nappes phréatiques pourraient donc être exacerbées, voire provoquer des conflits. Avec, là encore, l’augmentation des réfugiés climatiques.

Julie Le Mest

Auteur·trice