Cette galerie évolutive aux airs de grand atelier abracadabrant fait la part belle à la création. Sa mission : rendre l’art accessible.
Zone 44. « 44 », pour le numéro dans la rue Edouard Delanglade. « Zone », parce que cette galerie n’est ni plus ni moins qu’une vaste zone culturelle, gérée par un collectif amoureux de l’art. Sous les lumières intimistes, un siège ultra-design revêtu d’une peau de mouton côtoie des poteries en raku, des portraits de Bob Marley en Lego, ou encore un bouillonnement de couleurs jeté sur une toile signée Corinne Bartalini. En fait, mis à part les deux petites tables qui font office de salon de thé, tout est à vendre.
Installée au cœur d’un ancien garage laissé dans son jus, 100% style industriel, la Zone 44 est une nouvelle-venue dans le paysage artistique marseillais. Depuis mai dernier, ce grand dépôt-vente propose « uniquement des œuvres où la création est là » souligne Marion*, une des créatrices du collectif. « Notre idée était de mettre en avant des techniques ancestrales ou novatrices ». Et la galerie est évolutive : outre quelques œuvres permanentes, la collection est renouvelée tous les deux mois, avec un vernissage à la clef.
A l’autre bout de la galerie, une scène un peu particulière : deux chaises en moumoute jaune se font face, fixées au mur. « Ah ça, ce sont les chaises Pelfrance ! », lance Marion. L’anecdote est plutôt sympa : un fabricant de peluches a décidé dans les années 60 de réutiliser la matière pour la fixer sur du mobilier. Vintage à souhait !
« Dans la plupart des galeries, on n’ose pas rentrer, on n’ose pas parler, il y a souvent une vraie distance avec l’art ». Eux – le collectif – voulaient une galerie qui ne ressemble pas à un musée et encore moins à une église. « Pour nous, l’art ne doit pas être une chose sacrée. Il ne doit pas être non plus réservé à une élite. Il doit être à la portée de tous pour faire réagir, rire, s’interroger ou se mettre en colère ». Et l’accessibilité commence par le portefeuille : de 17 euros pour un bijou jusqu’à 4 000 euros pour les grandes toiles de Corinne Bartalini. D’ailleurs, en ce moment, la Zone 44 célèbre le « Noël des artistes » : six artistes proposent des œuvres à moins de 150 euros, dont Marie Charrel qui expose ses sculptures en jouets et Edelkan, ses totems en acier.
Impossible de quitter la galerie sans que l’œil s’attarde sur les robots de VöG. A partir de bombonnes d’hélium, l’artiste a imaginé un peuple extra-terreste venu coloniser la terre, pour rappeler aux humains leurs travers et prendre leur place. Ça, c’est la symbolique. Derrière ce message, un robot tout en blanc baptisé « Soldat Inconnu » porte un tatouage évocateur : « Je suis Charlie ». Il brandit un crayon, trempé dans l’encre – ou le sang, l’interprétation est libre. Sur son crâne, plusieurs religions s’entremêlent. A ses côtés, en position de combat, le robot noir « Simo ». Référence au soldat Simo qui a tué plus de 500 soldats soviétiques ; le meilleur tireur d’élite de l’Histoire. Baskets à lacets aux pieds, le thorax bardé d’un « AMEN », son corps est un concentré de paradoxe. Les traits qui représentent le nombre de ses victimes jouxtent une colombe et une Betty Boop sensuelle.
« Ces robots ont une double lecture qui m’inspire particulièrement », commente Marion. « Pour moi, VöG arrive à rendre les événements anecdotiques ». La Zone 44 ne s’interdit rien ; pas même de jouer avec les sentiments.
*le prénom a été modifié
Crédits photo : Zone 44
Bérengère Margaritelli
INFOS PRATIQUES : Zone 44 – 44 rue Edouard Delanglade – 13006 Marseille Ouvert du Lundi au Samedi, de 10h30 à 19h. |