LE 13 INFORMÉ

Le journal école du master journalisme de l'EJCAM

Au cœur de la start-up nation à la marseillaise, avec des jeunes coachés pour créer

Immersion dans un atelier sur le modèle économique d'une association, au Transforama, un des carrefours de l'entreprenariat situé à la Belle de Mai. Crédits photo : Elena Lébely

Former des entrepreneurs en herbe, c’est le but des cinq carrefours de l’entreprenariat, financés par le plan « Marseille en grand ». Le 13 Informé s’est invité dans l’un d’entre eux : le Transforama, situé à la Belle-de-Mai. 

Dans les locaux de Transforama, situés à la Friche de la Belle de Mai, douze jeunes viennent récolter des conseils pour lancer leur association. Assis autour d’une grande table, ils font face à Nicolas Debry, de la Ligue de l’enseignement, venu leur expliquer comment trouver des subventions. Pour cet atelier, la Ligue s’est associée avec Transforama, l’un des cinq “carrefours de l’entreprenariat”, lancés dans le cadre du plan « Marseille en grand », en mai 2022. Ces carrefours, financés par l’État à hauteur d’environ quatre millions d’euros, ont pour but d’accompagner gratuitement les jeunes, entre 18 et 30 ans, dans la création de leur entreprise ou de leur association. Transforama, dont les subventions s’élèvent à un million d’euros, est composé de dix salariés, employés par six organismes partenaires, dont les incubateurs La Ruche et Inter-Made. Ces derniers assistent Transforama dans l’orientation et l’accompagnement des jeunes entrepreneurs. 

Quelqu’un peut me donner les différentes sources de financement d’une association ?” Face à Nicolas, les douze élèves, studieux, s’exécutent. “La Région, le mécénat et le Département ?”, tente l’un d’eux. “Oui, mais on peut en trouver d’autres”, répond Nicolas, inscrivant sur le tableau blanc les réponses complémentaires. Stylo en main, certains prennent des notes, concentrés. L’ambiance est décontractée. Dans la salle, les questions fusent. Chacun tente d’y répondre grâce à son expérience, corrigé par Nicolas si besoin. 

Dédramatiser la “paperasse administrative”

Avant de commencer l’atelier, le groupe fait un tour de table et chacun se présente. Raphaël, bob noir, accompagné de son chien Alba, veut monter une cantine solidaire avec deux amis. Isma, 17 ans, un club de lecture. Victor, une association de musique électronique. Leur point commun : la recherche active de ressources pour se lancer. « Je suis là pour vous outiller et faciliter vos demandes de subventions. Je vous donnerai aussi des “tips” pour répondre aux appels à projet », explique Nicolas, encourageant. 

Power point et fiches explicatives accompagnent le discours, plutôt technique, de l’intervenant. L’objectif de ces deux heures de formation est aussi de dédramatiser « la paperasse administrative ». Pour certains, c’est une révélation. Cumba, 32 ans, a découvert comment remplir un CERFA (document à fournir dans le cadre d’un appel à projet ou d’une demande de subvention). Cette Marseillaise, originaire du Sénégal, vient de créer une association afin de “garantir un accès continu aux soins pour les enfants sénégalais, en situation de handicap physique lourd”. Paraplégique depuis l’âge de six ans, elle raconte avoir elle-même souffert d’un manque de soins plus jeune, trop onéreux pour ses parents. Évoquant le souvenir, Cumba se ressaisit. Elle ne veut pas « s’attarder sur le passé et agir dans le présent », d’où sa présence ici. « Je ne connaissais pas l’existence des Cerfa alors que je m’apprête à faire mes premières demandes de subventions. Nicolas nous a dit qu’une fois rempli, ce papier nous servira de base pour toutes les subventions et pour les appels à projet », explique-t-elle satisfaite. 

Armelle et Faustine viennent de créer Astérolide, une association qui réutilise les rebuts du secteur culturel. Crédits : Alice Gapail.

Cumba se réjouit également d’être entourée de personnes qui partagent ses ambitions. Grâce à Armelle et Faustine et leur association de revalorisation de déchets du secteur culturel, elle a appris que “la Ville accorde 1000 euros aux associations qui démarrent”. “Une opportunité en or !” s’exclame-t-elle, ravie. De leur côté, Armelle et Faustine, ont surtout profité de l’atelier pour “se rassurer” sur les démarches déjà effectuées. Créée en décembre dernier, leur association est déjà à sa troisième demande de subvention. Pour les filles, l’atelier était donc l’occasion de faire un point, mais aussi de bénéficier de “piqûres de rappel”. “Les petits conseils, comme regrouper ses papiers dans un drive accessible aux membres du bureau par exemple, c’est débile mais on y pense pas forcément. Pourtant ça simplifie la vie !” assure Faustine. 

À côté, Raphaël, 27 ans, confirme l’utilité de la séance. L’aspect théorique des informations ne l’a pas dérangé, au contraire. “J’ai appris qu’il existait des subventions par action. Ça veut dire que tu peux les demander pour une action précise, contrairement à ce qu’on croyait”, explique-t-il comme s’il récitait une leçon tout juste apprise. Motivé, le Marseillais se projette déjà avec cette nouvelle aide. Depuis environ un an, son association Le pied de mouton, récupère des invendus pour en faire des repas à prix libres dans des restaurants solidaires comme Le République à Marseille. La subvention par action lui permettra de financer des initiatives plus ponctuelles : “Prochainement, on voulait faire un atelier cuisine et un livre de recettes avec des mères de familles et leurs enfants dans le 15e. On cherchait comment financer l’intervention, c’est tout trouvé”, affirme-t-il enchanté. 

Le collectif “pour motiver les troupes”

L’ensemble des personnes interrogées ont découvert l’existence de Transforama par l’intermédiaire d’associations ou d’incubateurs par lesquels ils étaient déjà suivis. Une fois en lien avec l’organisme, ils reçoivent régulièrement des mails les avertissant des ateliers à venir. Mehdi Dhif, orienteur chez Transforama, est chargé d’aiguiller les jeunes au début de leur parcours. Ses échanges quotidiens avec eux lui permettent de cibler les besoins, pour y répondre par le biais des ateliers. “Pour l’activité d’aujourd’hui par exemple, on s’est aperçu que beaucoup de personnes voulaient lancer leur association, mais ne savaient pas comment se financer”. D’autres ateliers sont actuellement en cours de création. L’un, pour apprendre à créer un site internet et l’autre, pour créer “des posts à impact” sur les réseaux sociaux. Ces événements sont presque tous collectifs, une spécificité de Transforama. D’après Mehdi, “cela permet de créer une synergie de groupe, pour motiver les troupes”

Âgé de moins d’un an, le carrefour tente de se renouveler pour améliorer son offre d’accompagnement. À la fin de l’atelier, plusieurs participants proposent quelques pistes de progression. Pour Isma, la cadette du groupe : “Certains termes étaient parfois un peu techniques. Ils pourraient, par exemple, diffuser une brochure avec des mots de vocabulaire pour aider ceux qui débutent”, propose la lycéenne. Cumba aurait quant à elle souhaité avoir plus de précision sur les différents modèles économiques d’association et lesquels privilégier. Raphaël, plus avancé que les autres dans le développement de son association, suggère de créer des groupes en fonction des niveaux de chacun, “pour éviter de perdre du temps”

L’État part du principe qu’un marseillais sur deux veut entreprendre, mais dans les faits, ce n’est pas tout à fait vrai. – Mehdi Dhif du Transforama

Depuis sa création, Transforama est financé par l’État à hauteur d’un million d’euros. Afin de “perdurer”, l’organisme doit accompagner 300 jeunes sur le volet entrepreneurial d’ici le mois d’août prochain et d’ici février 2024, 2000 jeunes en tout, ce qui comprend à la fois ceux accompagnés sur le volet entrepreneurial et d’autres, initiés aux nouveaux métiers du numérique et de l’environnement. Pour le moment, 180 jeunes ont été pris en charge par la structure, dans la création d’entreprises ou d’associations et environ 670 au total. Si Mehdi reste positif, il admet que les objectifs fixés par le gouvernement sont ambitieux : “L’État part du principe qu’un Marseillais sur deux veut entreprendre, mais dans les faits, ce n’est pas tout à fait vrai. La plupart n’ont pas de projet solide défini”, explique-t-il.

Preuve du manque d’attractivité du dispositif, le bilan du volet entrepreneurial aurait dû avoir lieu sept mois plus tôt, en février dernier. Faute de résultats concluants à cause “des délais trop courts pour atteindre les objectifs”, selon Mehdi, il a finalement été reporté. D’après Laurent Carrié, le Préfet en charge du plan « Marseille en grand », ce temps supplémentaire permet plutôt aux structures de ne pas “se retrouver engorgées et noyées par l’afflux de demandes” dans les derniers mois. Ce dernier affirme par ailleurs que l’État ambitionne d’accueillir à terme 3 500 jeunes au total sur les cinq carrefours de l’entreprenariat. Bien moins que l’objectif de 8000, annoncé au début du projet. 

Auteur·trice
ALICE GAPAIL
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