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Disneyland Paris : deux milliards d’euros pour reconquérir l’Europe

Reçu à l’Élysée le 27 février, le PDG de The Walt Disney Company a annoncé un investissement de deux milliards d’euros pour Disneyland Paris. Objectif : agrandir le parc français pour augmenter la fréquentation et combler des dettes historiques.

Le Walt Disney Studios va connaître d’importants travaux d’agrandissement entre 2021 et 2025 / Photo Camille HUPPENOIRE / 2013

En visite à Paris pour rencontrer Emmanuel Macron, Robert Iger, le patron de Disney, a annoncé un plan de développement ambitieux de près de deux milliards d’euros pour le parc Disneyland Paris, situé à Marne-la-Vallée, près de la capitale française. Agrandissement du parc Walt Disney Studios, décors spectaculaires, nouveaux personnages à succès…Disney veut relancer son unique parc européen et le rendre rentable, après vingt-ans d’exercice en dents-de-scie.

  • (Re)conquérir le jeune public européen

D’ici 2025, le Parc Walt Disney Studios, l’un des deux parcs à thème constituant le complexe Disneyland Paris, va accueillir trois nouvelles zones thématiques. L’annonce a majoritairement ravi les habitués du parc, que Disney espère reconquérir en surfant sur le succès de trois de ses plus récentes licences : le dessin animé La Reine des Neiges, l’univers des super-héros Marvel et la saga Star Wars seront les thèmes des trois nouveaux mondes, et leur galerie de personnages, les nouveaux héros du parc.

Nous comptons accroître le nombre de visiteurs en attirant les fans de ces personnages Robert Iger, PDG de Disney

Ces trois nouvelles zones, qui s’articuleront autour d’un grand lac, vont monter la superficie du parc Walt Disney Studios à 39 hectares, soit 12 de plus que sa surface actuelle. Outre des décors neufs, de nouvelles attractions et des spectacles devraient accompagner l’expansion du parc, destinée à séduire en priorité au public européen, qui représente plus de 90% des visiteurs annuels. Parmi ces derniers, ceux qui ne sont encore jamais venus à Disneyland Paris et qu’il faut attirer avec des nouveautés spectaculaires, et des visiteurs plus réguliers. Ces habitués du parc, surnommés les « disneyphiles », attendaient depuis plusieurs années que Disneyland Paris fasse peau neuve.

Nouvelles zones thématiques : qu’en pensent les habitués de Disneyland Paris ?

En capitalisant sur des personnages récents, encore peu représentés dans le parc actuel hormis lors de spectacles éphémères, Disney veut d’une part inciter les habitués à revenir plus régulièrement, et de l’autre, conquérir un nouveau public jeune, la fameuse « génération Y », ou millenials. Ces individus nés entre les années 80 et l’an 2000, avec les nouvelles technologies, constituent une cible privilégiée pour les entreprises, car ils consomment beaucoup et disposent d’un pouvoir d’achat important. Ils sont aussi très présents sur les réseaux sociaux, moyen de communication largement exploité par Disney et toutes ses franchises.

  • Combler une dette historique et relancer l’activité

Malgré sa place de premier parc d’attractions français et de première destination touristique européenne (plus de 300 millions de visiteurs depuis 1992), Disneyland Paris rencontre des difficultés économiques dès sa création en 1992. A l’époque nommé EuroDisney, le parc n’est alors pas géré directement par la firme Disney, mais par la SCA (société en commandite par actions) Euro Disney, possédée à 49% par Disney, actionnaire principal et maison-mère. Euro Disney doit à ce titre lui verser des redevances pour avoir le droit d’utiliser les personnages Disney : le coût de ces redevances représente près de 10% du chiffres d’affaires du parc et pèse lourd sur ses finances. Par ailleurs, le complexe attire moins de visiteurs qu’escompté et les bénéfices sont minces, voire inexistants. La rentabilité des parcs Disney repose sur les ventes de produits dérivés, la restauration et les hébergements sur place. Sans un nombre important de visiteurs, au minimum douze millions par an, aucun bénéfice n’est possible.

Euro Disney a affiché un résultat net positif jusqu’au début des années 2000 grâce à la maison-mère Disney, qui a investi et recapitalisé le parc pour maintenir l’activité et combler les déficits annuels. Mais à partir de 2001, les pertes se sont accélérées. En 2016, la dette atteint le milliard d’euros, alors que la perte annuelle est de 858 millions d’euros. La maison-mère Disney décide alors de reprendre en main l’entière gestion du parc. En rachetant les parts des petits actionnaires de la SCA Euro Disney, Disney est devenu propriétaire à plus de 97% du parc français…ce qui lui laisse, depuis l’année dernière, les mains libres pour relancer son activité, avec cette première décision forte d’investir deux milliards d’euros pour agrandir le parc. Objectif affiché, sans chiffre précis: augmenter le nombre d’entrées, qui n’a jamais dépassé le plafond des 16 millions annuels, et amener les visiteurs à dépenser plus en les incitant à rester plus longtemps dans le parc.

  • Le parc parisien indispensable à la stratégie mondiale de Disney

Disneyland Paris est le seul parc européen de Disney, qui compte cinq autres complexes dans le monde : deux aux États-Unis, deux en Chine et un au Japon. Pour l’entreprise, il est inenvisageable de se séparer de son ancrage en France, situé au cœur de son lucratif marché européen. Productions cinématographiques, DVDs, produits dérivés…en 2017, l’Europe est le second marché le plus rentable pour Disney, derrière l’Amérique du Nord, avec 6,5 milliards de dollars récoltés. Un parc au cœur de l’Europe, desservi par de nombreux axes de transport, est indispensable à l’entreprise Disney, dont toute la stratégie de vente et de marketing repose sur ses personnages. Dès lors qu’un personnage devient connu du public, les films le mettant en scène ne sont plus qu’une vitrine, une bande-annonce, pour les produits dérivés, les séries télévisées et les parcs d’attraction.

Le choix des nouveaux thèmes pour le parc Walt Disney Studios a été fait en fonction du succès actuel des personnages. Les trois licences les plus lucratives de Disney sont représentées. En Europe, La Reine des neiges a connu un succès impressionnant pour un dessin animé, avec plus de 18 millions d’entrées au cinéma. Le premier film de la nouvelle saga Star Wars a lui presque atteint la barre des 40 millions de spectateurs dans les salles obscures. Ces deux productions estampillées Disney séduisent un large public, notamment les familles. Quant au monde des super-héros Marvel racheté en 2009 par Disney, il séduit les jeunes générations chaque année avec des films très lucratifs pour la firme. Le dernier en date, Black Panther, a récemment dépassé le milliard de dollars de recettes au box-office mondial.

Le PDG de Disney a aussi justifié le choix de l’investissement dans le parc parisien par la bonne santé de l’économie française. Même si la France a souffert des attentats de 2015, elle reste la première destination touristique mondiale, et Disneyland Paris n’est pas étranger à ce succès. Depuis 1992, le parc a rapporté 68 milliards d’euros de valeur ajoutée à l’économie française. Soit, en moyenne, 6% des recettes touristiques françaises. Avec l’investissement conséquent dans de nouvelles zones et plusieurs hôtels, le chiffre devrait augmenter dans les années à venir. Si les travaux d’agrandissement ne débuteront qu’en 2021, le parc entamera sa mutation dès octobre prochain, avec la rénovation de l’hôtel New York, qui prendra les couleurs de Marvel. Comme un avant-goût des nouvelles zones, qui devrait plaire aux plus impatients.

Camille Huppenoire

Auteur·trice