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En Occident, une tentative d’influence de l’État d’Israël au résultat flou

Capture d'écran tirée d'une vidéo de propagande de l'État hébreu sur la plateforme YouTube.

Une nouvelle phase du conflit israélo-palestinien s’est ouverte après l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre 2023. Cette étude se concentre uniquement sur le front de la communication de guerre.

Le Hamas a lancé l’offensive, en diffusant les images de l’attaque du 7 octobre filmées par ses propres soldats grâce à l’équipement vidéo qu’ils portaient sur eux. Cette diffusion massive de l’attaque avait pour objectif de démontrer l’incapacité de l’État hébreu à assurer la sécurité de son territoire. L’armée israélienne a retourné cette campagne de propagande du Hamas à son avantage. Elle a utilisé massivement les vidéos que le Hamas a diffusées pour en faire des campagnes de propagande montrant l’horreur qu’est le Hamas. Il est possible de constater que parfois, des deux côtés, les mêmes images ont été utilisées mais dans des buts de propagande opposés. Ce qui va différencier réellement ces deux campagnes de propagande, ce sont les moyens alloués pour leurs diffusions internationales.

Une campagne d’influence de plusieurs millions d’euros

Le ministère de la Défense israélien a financé une campagne de propagande anti-Hamas à grande échelle. De son côté, le ministère des Affaires étrangères a investi près de huit millions d’euros rapporte le journal Libération grâce à l’utilisation du logiciel Semrush qui permet d’estimer les performances des campagnes en ligne. La campagne d’influence se concentre sur trois pays : le Royaume-Uni, l’Allemagne ainsi que la France qui rassemble la majeure partie de la somme totale allouée.

Capture d’écran d’un tweet de la journaliste Sophia Smith Galer faisant état du montant dépensé par l’État hébreu dans sa campagne d’influence dans les pays occidentaux.

Quand elle s’est terminée, elle s’élevait à 4,6 millions de dollars. Selon l’AFP, cet accent mis sur la France peut s’expliquer par la présence de l’une des plus importantes communautés juives et arabo-musulmanes d’Europe. 

Si on zoome sur la campagne qui a concerné l’hexagone, les enfants ont été particulièrement visés par la propagande israélienne sur YouTube. Ce constat a été établi à l’aide des analyses de publicités Google, qui montrent quelles vidéos ont pu servir de canal à la propagande israélienne.

« Tout comme vous feriez n’importe quoi pour protéger votre enfant, nous ferons tout pour protéger les nôtres »

On les retrouve sur des vidéos de célèbres youtubeurs français qui s’adressent à un public jeune, avant, pendant ou après leurs contenus. Google, propriétaire de YouTube, a décidé, après plusieurs jours, de rendre ces vidéos de propagande inaccessibles aux enfants, toujours selon l’AFP. Cela s’explique par le caractère insoutenable de plusieurs vidéos.

YouTube particulièrement visé

Certaines d’entre elles semblent s’adresser aux enfants. C’est le cas, par exemple, de celle qui a été la plus visionnée, sous la forme d’un dessin animé. On y voit une licorne au milieu d’arcs-en-ciel avant qu’un message en lettres capitales vienne en infléchir le sens. On peut y lire « tout comme vous feriez n’importe quoi pour protéger votre enfant, nous ferons tout pour protéger les nôtres ». Cette vidéo semble, comparée à d’autres, ne pas viser directement les enfants, mais plutôt s’adresser aux parents. On y retrouve tous les codes de l’identification et le lieu est stratégique pour influencer les parents.

D’autres vidéos sont plus crues : une description de l’horreur de l’attaque par une Israélienne en larmes, des corps sans vie, un médecin légiste interviewé, des photos d’enfants aux corps calcinés etc. Après plusieurs jours, YouTube a décidé de supprimer la mise en avant de ces vidéos publicitaires.

Une campagne d’influence qui ne se limite pas aux réseaux sociaux

Mais le ministère des Affaires étrangères ne s’est pas limité à YouTube, pour diffuser sa campagne de propagande, bien que cette affaire ait été la plus largement discutée dans l’espace médiatique. Le site d’information Politico rapporte que cette campagne d’influence s’est aussi déroulée sur le réseau social X (anciennement Twitter). Cette fois, le public-cible de la propagande n’est plus les enfants mais les adultes de plus de 25 ans. Ce ne sont pas moins de 30 publicités réalisées par le ministère des Affaires étrangères israélien qui ont été vues plus de quatre millions de fois sur X. 

Ce n’est pas la première fois que l’État d’Israël se lance dans une campagne de propagande. C’est ce que rapporte le site d’information Arrêt sur images en évoquant une vidéo datant de 2021 supprimée par YouTube. Ces campagnes de propagande se concentrent sur les pays occidentaux et non sur les pays arabes et leurs populations. Sur France 24, Héloïse Fayet, chercheuse spécialiste du Moyen-Orient au Centre des études de sécurité de l’Institut français des relations internationales, a expliqué ce phénomène : l’armée israélienne considère que « l’opinion publique arabe a déjà pris son parti pour la Palestine ».

Une campagne réussie ?

L’accent mis sur la France s’explique aussi par la volonté de comparer certains actes du 7 octobre à l’attentat du 13 novembre 2015 en France. Comme souvent dans les opérations d’influence de l’opinion publique, l’objectif n’est pas de créer de toutes pièces des opinions mais de renforcer des convictions préexistantes en pariant sur l’identification du public à Israël.

« L’opinion publique arabe a déjà pris son parti pour la Palestine ».
—  Héloïse Fayet, chercheuse spécialiste du Moyen-Orient 

Les objectifs sont donc simples : viser des lieux géographiques précis pour réaliser une contre-propagande en réponse à celle diffusée par le Hamas à la suite du 7 octobre. Il y a aussi une tentative d’influencer les opinions occidentales pour justifier l’ampleur de la réponse militaire. 

Si l’on s’en tient aux chiffres, cette tentative d’influence semble avoir réussi car elle a atteint un nombre de visionnages jamais vu, avec « 1,1 milliard d’impressions sur ses vidéos, dont 535 millions auprès du public français », rapporte Libération. Cela n’empêche pas de se questionner sur sa réussite intellectuelle, c’est-à-dire s’intéresser à la réussite de son objectif. Certains titres de presse et experts doutent ou émettent l’hypothèse que cette dernière puisse être un échec. Tout simplement à cause du nombre de réactions épidermiques qui se sont multipliées sur les réseaux sociaux de la part d’internautes à la suite du visionnage de ces vidéos. 

C’est le cas, par exemple, de la conclusion d’un article du site spécialisé Numerama, qui explique « que si l’objectif était de parler aux plus jeunes utilisateurs de YouTube en France, l’objectif n’a pas l’air d’avoir été atteint ». Pour le site en ligne, le fait que les internautes aient compris que les vidéos qu’ils visionnent étaient de la propagande réduit la puissance du message. Cette gêne, chez certains spectateurs, a même entraîné selon l’article de Libération déjà cité, plusieurs signalements auprès de YouTube.

Auteur·trice
Yannis Angles