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François Hollande : analyse d’un renoncement (globalement) réussi

Le temps s’est (presque) arrêté. Les Français ont retenu leur souffle une dizaine de minutes,  jusqu’à ce que le Président de la République lâche le morceau. Un peu après 20h, jeudi 1er décembre, François Hollande annonçait devant 14 millions de téléspectateurs qu’il renonçait à se présenter à l’élection présidentielle de 2017. Une première dans l’histoire de la Vè République.  Pour Richard Ghévontian, politologue et professeur à la faculté de droit et science politique de l’Université d’Aix-Marseille, le discours du Président apparaît « paradoxal » mais « réussi ». Même derrière ce « testament », toujours le spectre d’une stratégie : redorer le blason d’un politique sur le départ. Richard Ghévontian décrypte.


Déclaration du président de la République par elysee

Daily Planet 2017 : M. Ghévontian, que doit-on retirer de ce discours ?   

R.G. « Ce qui se détache nettement, c’est qu’il s’agit d’un discours contradictoire, conçu autour de la valorisation du bilan de François Hollande, pour finalement déboucher sur un constat d’échec. Mais une grande partie est très flatteuse, avec l’usage répété et chronique du « je » : « j’ai voulu », « j’ai fait », témoin d’un égo surdimensionné. Même si, en l’occurrence, avec l’annonce finale de son renoncement, les « je » prennent encore une autre dimension : ce discours, c’est son testament ».

D.P. 2017 : Au-delà du fond, que nous apprend-il, dans sa conception ?

R.G. « Ce qui est étonnant dans cette construction paradoxale, c’est qu’on peut se demander si ce discours n’était pas préparé aussi pour une éventuelle candidature. Jusqu’aux 4/5è de l’allocution, il n’est d’ailleurs pas possible de savoir quelle en sera l’issue. François Hollande se représentera-t-il, ou non ? Si on se fie au texte, suspense. Hormis la voix et le langage corporel qui paraissent le trahir, ce discours est construit de telle sorte qu’il pouvait mener à deux solutions. Comme s’il y avait eu une espèce de « tronc commun » avec un final interchangeable. Preuve que François Hollande a certainement pris sa décision au dernier moment ».

D.P.2017 : Même s’il se termine par un renoncement, est-ce qu’il y avait une stratégie derrière ce discours ?  

R.G. « Evidemment : c’est un discours conçu pour laisser une bonne image. L’objectif était de partir dans les meilleures conditions. Et ça, François Hollande savait que ça n’aurait pas été possible s’il avait été battu à la primaire de la gauche. Ce qui aurait été fatalement le cas. Alors que là, il a gagné des points dans l’opinion publique : les sondages réalisés depuis le démontrent. Donc son discours lui a redonné un petit peu de couleur, pour pouvoir partir la tête haute. Même s’il n’existe plus politiquement. Car c’est une tendance bien française : une fois que les politiques sont « morts », on les adore ! »

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D.P.2017 : Du coup, plutôt réussi, ce discours ?

R.G. « Oui, pour moi, c’est un discours réussi. Il a tenu son pari : faire passer de l’émotion. On sent Hollande vraiment très mal quand il le prononce, son trouble n’est pas feint. Il y a un mélange de dépit, de colère, de regret aussi. Normal, pour un constat d’échec. En fait, à mon sens, je crois que c’était le seul discours réussi de sa carrière »

 

Au lendemain de son discours, la cote de popularité de François Hollande a effectivement grimpé de 14 points dans les sondages. Avec un peu de malice, nous avons imaginé pour vous ce à quoi aurait pu ressembler le mur Facebook du Président  avant / après son allocution. 
 

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 Bérengère Margaritelli

(Crédits photo PP : Kenzo  Tribouillard / AFP)

(Réalisation montage avec Healthfactspro et Fotor : Bérengère Margaritelli)

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