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Jean-Pascal Nehr, l’un des derniers archetiers de France

Installé depuis 1990 rue Francis Davso à Marseille, Jean-Pascal Nehr fait parti des quelques derniers archetiers de France.

Crédit vidéo : Marjorie Nadal & Gaétan Audeyer

Il a décidé de leur vouer sa vie. Jean Pascal Nehr, silencieux, contemple les quelques archets apposés sur son bureau. 73 centimètres, 59 à 62 grammes, et plusieurs semaines de fabrication. Depuis 43 ans, il passe ses journées dans son atelier au premier étage. « Sans radio, sans musique, sans bruit, seul », sourit-il. « C’est plus qu’une passion, c’est une thérapie ».

Jean Pascal Nehr est ce qu’on appelle un archetier. A ne pas confondre avec le luthier. Il ne créait ni violons, contrebasses ou altos mais bien cette petite baguette qui prolonge la main du musicien. « C’est 30% à 50% du son du violon. Quand un musicien change son archet on a l’impression qu’il a changé son violon ».

C’est parce qu’il a compris son importance que Jean Pascal Nehr a décidé de le fabriquer entièrement. La restauration, la vente et l’expertise ne l’intéressent plus. Il multiplie alors les matériaux : baguette, hausse, bouton, crin de cheval, nacre, et travaille avec le bois de pernambouc venant du nord du Brésil. Pour les assembler, il s’inspire de François Xavier Tourte, Dominique Peccatte, Jean-Pierre Marie Persoit et d’autres archetiers du début du 19ème siècle.

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Jean-Pascal Nehr dans son atelier rue Francis Davso. Crédit photo : Marjorie Nadal.

« Il y a toujours une phase de doute »

Sa minutie et son amour de l’archet lui permettent d’avoir jusqu’à un an de commande. Il ne travaille pas pour des boutiques mais pour des musiciens, de grands noms qu’il préfère taire. Il arrive à fabriquer jusqu’à 15 archets par an qu’il envoie parfois à New York, Hong Kong ou Londres. « Quand je finis un archet, il y a toujours une phase de doute, j’ai besoin qu’une soliste vienne l’essayer pour savoir comment je vais le défendre. Un archet n’est pas bon ou mauvais, selon la manière de jouer ou les caractères, ça peut changer », confie t-il.

Jean-Pascal Nehr est devenu archetier par hasard. Tout a commencé à Aix en Provence lorsqu’il était en classe de troisième. Sa conseillère d’orientation lui parle alors de l’ouverture de l’école de  Mirecourt dans les Vosges. Il envoie finalement sa candidature et parmi 150 élèves, il est choisi. En 1974, alors qu’il a 16 ans, il devient élève du maître-archetier Bernard Ouchard pendant 3 ans. A partir de là, il travaille à Paris, puis Marseille, et obtient la médaille de « Meilleur ouvrier de France » en 1997. « J’ai eu cette chance, mais pour moi ce n’est pas un résultat, c’est seulement une étape dans ma carrière. Le plus important c’est quand je reçois un message d’un musicien pour me dire que mon archet est merveilleux », explique t-il modestement.

Jean-Pascal Nehr a été élu "Meilleur ouvrier de France" en 1997.
Jean-Pascal Nehr a été élu « Meilleur ouvrier de France » en 1997. Crédit photo : Marjorie Nadal.

 Un héritage familial

Si les musiciens sont si attachés à cette fabrication artisanale et ces passionnés d’archeterie, c’est parce que le métier se fait rare. « Il reste une cinquantaine d’archetiers en France ». L’école de Mirecourt ayant fermé après la mort du maître Bernard Ouchard, le nombre d’archetiers diminue. « on a essayé de la rouvrir, mais il y avait des tensions avec d’autres archetiers qui ne voulaient pas de cette concurrence. Je suis un peu triste parce que la possibilité d’être archetier m’a été donnée par l’Education nationale (…). Maintenant ce n’est pas donné à tout le monde ».

Désormais, l’archeterie se transmet uniquement par héritage familial, plus aucun apprentissage scolaire n’est possible. Jean Pascal Nehr a ainsi agrandi la dynastie en formant son cousin qui travaille aujourd’hui à New York, puis son frère, Pierre Nehr, qui travaille à Paris.

Marjorie Nadal

Auteur·trice