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La rafle du Vieux Port : 77 ans après, « je suis heureux de pouvoir partager ma peine », témoigne un rescapé

Le 24 janvier 1943, la rafle du Vieux Port a traumatisé des milliers de personnes dans le quartier Saint Jean. Parmi eux se trouvait Antoine Mignemi, rescapé de ce drame alors qu’il n’avait que 5 ans. Aujourd’hui, il raconte cet évènement qui l’a hanté toute sa vie. 

Reportage rescapé de la rafle du Vieux Port

Amparo et Antoie Magnemi

Dans la mémoire d’Antoine Mignemi, les images sont gravées à jamais. Le réveil brutal de la police française, le rassemblement sur le quai. Il se souvient de tout : « ils nous ont demandé de prendre un petit balluchon et un peu de nourriture. J’ai tout de suite su qu’on voulait nous faire du mal« . Ca s’est passé le 24 janvier 1943, à Marseille. Tout un quartier fut évacué par les autorités françaises soutenues par l’armée allemande. A l’époque, Antoine Mignemi n’a que 5 ans, ses parents italiens sont arrivés 20 ans plus tôt en terre phocéenne pour fuir le fascisme. 

20 000 habitants du quartier Saint Jean sont expulsés, 12 000 sont déportés vers Fréjus, 800 d’entre eux sont ensuite envoyées au camp de concentration d’Oranienburg, en Allemagne.

Pour les autres, retour à Marseille. Antoine Mignemi et ses parents en font partie. « Ils nous ont déposé au cinéma Cesar, place Castellane, et le message était clair : débrouillez-vous! On avait aussi interdiction de se rendre dans nos appartements. On a donc trouvé refuge chez d’autres membres de la famille. »

1500 immeubles du quartier ont été rasés. Balayés par dynamitage. Les autorités voulaient clairement supprimer ce quartier du paysage car il était, selon eux, gangréné par la délinquance. Certains survivants ne s’en remettront pas.

La reconnaissance des victimes, premier pas vers la reconstruction

Il y a un an, une plainte est déposée au nom d’une dizaine de personnes par Pascal Luongo, avocat et descendant de rescapé, soutenu par l’historien Michel Ficetola.

Leurs efforts aboutissent à l’ouverture d’une enquête préliminaire pour « crime contre l’humanité ». « Ce fut comme une bouffée d’oxygène« , explique Antoine Mignemi. Désormais, ces mots sont gravés sur une stèle, inaugurée il y a quelques mois à l’Eglise des Accoules.

Pour la première fois, une commémoration a eu lieu spécialement pour cet événement dans la cour de l’Eglise. L’occasion pour le curé de bénir la stèle, et pour les rescapés de se retrouver. « Avant, on ne parlait pas du 24, on ne parlait pas des destructions par dynamitage, on ne parlait pas de l’arrivée au camp et des conditions de détentions. Je suis heureux de pouvoir partager un peu de ma peine avec ceux qui l’ont vécue, et j’espère qu’un jour cet évènement tragique apparaitra dans les manuels scolaires. »

Joffrey Marcellin

Auteur·trice