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Macron à Marseille : un déplacement sous pression ?

Manifestation à Marseille le 19 janvier dernier. Crédits : C.Arion, G.Baldi, T.Gadin

Brigitte Macron l’a annoncé. Emmanuel Macron se rendra à Marseille dans les prochains mois pour un point d’étape sur le projet « Marseille en grand ». Dans un contexte brulant, les conditions de sa venue restent floues. Malgré la vague de contestations, il est attendu. 

“Louis XVI, on l’a décapité… Macron, Macron, on peut recommencer !“ La contestation est extrême sur le Vieux-Port de Marseille ce lundi soir. Une centaine de personnes se sont réunies au rythme des casseroles. Le tableau est brossé, le président de la République n’est pas le bienvenu. Et pourtant, la future visite d’Emmanuel Macron à Marseille fait grand bruit. Elle a été annoncée par Brigitte Macron le 4 avril dernier en marge de l’inauguration d’un institut des vocations pour l’emploi financé par le groupe LVMH. “Mon mari va bientôt venir et restera trois jours” a-t-elle affirmé, sans plus de précision. 

Sur le Vieux-Port, on attend le président de pied ferme : “On ne sait pas quand il viendra ? A mon avis il a peur, et il a raison. Regardez, il ne l’a même pas annoncé lui-même” avance Lana, sifflet autour du cou et cheffe d’orchestre improvisée au milieu des casseroles. Une colère largement partagée sur les réseaux sociaux.

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“Croyez-moi, il aura mal aux oreilles en repartant” promet Sabrina, équipée de bouchons d’oreilles. “En fait c’est simple, on va tout faire pour que 100 % de ses déclarations soient inaudibles » confirme Eusebio, maçon de 47 ans, avant de surenchérir : “on regardera son programme, et on va s’organiser. Il ne nous écoute pas, alors on va faire en sorte que personne ne puisse l’écouter non plus.”

Et le président de la République n’est pas le seul ciblé. L’ensemble de ses soutiens font l’expérience de la vive contestation dans les Bouche-du-Rhône, à l’image de l’accueil mouvementé réservé au député Jean-Marc Zulesi ce week-end lors de son déplacement à la Fête de la Fraise à Salon-de-Provence. Le message est passé : le Président peut s’attendre à un nouveau “comité de non-accueil” tels qu’ils ont été surnommés dans d’autres villes lors de ses visites.

Des actions ciblées

La promulgation de la réforme des retraites est encore dans toutes les têtes. Pour se faire entendre, aux manifestations se joignent des actions coup de poing. Le Président pourrait même se retrouver dans le noir. “L’idée, c’est de faire des coupures ciblées sur des lieux de pouvoir et des lieux où le gouvernement pourrait se déplacer” explique Renaud Henry, secrétaire général de la CGT Énergie PACA. Les camions bleus “seront sur tous les fronts” affirme-t-il, un mois à peine après avoir passé la journée en garde à vue pour des coupures en juin 2022. Des camions qui sont comme un symbole, puisque ce sont eux qui, depuis premières manifestations contre la réforme des retraites, roulent en tête de cortège.

Alors Renaud Henry se tient prêt à mener un nouveau cortège pour la venue du Président, mais le gazier craint un dispositif de sécurité conséquent. “La dernière fois qu’il est venu, on ne pouvait pas s’approcher à moins de cinq kilomètres ! On essayera d’agir comme on peut s’il vient. Il faudrait voir le parcours de la visite.”

Les propos de Renaud Henry, secrétaire général CGT Énergie 13

Lors du précédent passage d’Emmanuel Macron en juin dernier, les trois compagnies de CRS de Marseille étaient mobilisées, avec pour renforts des compagnies de Toulon, d’Avignon et de Nice. Autrement dit, près de 1000 CRS, auxquels se sont ajoutés les autres effectifs de police, les gendarmes et la garde rapprochée du président de la République. Alors, à quel point la sécurité sera-t-elle encore plus étoffée lors du prochain séjour du président de la République ? Contactée par notre rédaction, la préfecture de police des Bouches-du-Rhône n’a pas souhaité développer. Elle assure vouloir garder les détails du dispositif confidentiel, pour “garantir le bon déroulement d’une potentielle visite.”

Des perturbations annoncées qui ne gêneront pas l’avancée du plan Marseille en grand. C’est du moins ce qu’affirme la majorité présidentielle. “Ce n’est pas quelques bruits de casseroles qui vont empêcher le bon déroulé d’un investissement de cinq milliards d’euros pour la ville” affirme Sabrina Agresti-Roubache, députée Renaissance de la 1e circonscription des Bouches-du-Rhône.

Pourtant, la contestation contre la réforme des retraites reste vive, dix jours après la promulgation de la loi. Au contraire, les actions se multiplient et s’intensifient. Mais le point d’étape annoncé pour “Marseille en grand” n’a toujours pas de date fixe, après deux annulations. Le chef d’État devait déjà venir du 6 au 8 février 2023, puis le 22 mars, mais les mobilisations contre le projet de réforme des retraites ont bouleversé son agenda.

« Manifester dans ce cadre-là, c’est assez mal venu »

Pour autant, Sabrina Agresti-Roubache le certifie : “la contestation n’a rien à voir avec le calendrier présidentiel. Il doit se libérer trois jours au milieu d’une actualité internationale riche. C’est sa seule contrainte.”

Laurent Carrié, préfet délégué pour l’égalité des chances dans les Bouches-du-Rhône et en charge du plan “Marseille en grand”, partage ce constat et regrette que des manifestations contre la réforme des retraites puissent venir interférer avec le bon déroulé du projet. Il estime que “le but c’est de profondément changer la vie des Marseillais. La santé, le logement, la sécurité, l’éducation… on parle d’injecter des fonds dans l’ensemble de ces domaines. Manifester dans ce cadre-là c’est assez mal venu, je ne connais personne qui manifesterait contre des investissements bénéfiques à tous.”

Mais dans les faits, le contexte social a bien eu, et continue d’avoir une incidence sur le plan “Marseille en grand”. La gestion de la crise sociale a déjà retardé la mise en application de nombreux dossiers. “On attendait un retour du président pour qu’il tranche sur certains dossiers comme le projet Odysseo, mais on attend toujours” explique Christophe Madrolle, conseiller régional PACA. Des décisions qui, d’après le conseiller régional, sont “conservées par Macron, car il veut les annoncer lui-même lors de sa prochaine visite.”

Le président de la République est attendu, à la fois par les acteurs publics et politiques locaux pour faire avancer le projet, et par les syndicats et manifestants, bien décidés à provoquer le retrait de la réforme des retraites.

Auteur·trice
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Tanguy GADIN

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