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Marlène Coulomb-Gully : « Jusqu’au XIXe siècle, on a toujours représenté les femmes comme « un moindre mâle » ».

Depuis une dizaine d’année, le terme de « genre » a envahi l’espace public français. De l’Antiquité à nos jours, le « genre » a toujours été étroitement lié à la notion de « sexe » et a conditionné la représentation des relations homme-femme dans la société. Pourtant, les deux termes renvoient à deux définitions totalement différentes. Marlène Coulomb-Gully, spécialiste des représentations du genre dans les médias, explique la nuance entre « sexe » et « genre ».

Le mot s’est imposé dans les repas de famille, dans les conversations ou encore dans les
débats publics mais sans que l’on sache ce qu’il veut dire ou à quoi réfère-t-il. Le
« genre » a toujours conditionné les représentations des sexes masculin et féminin depuis
l’Antiquité, pénétrées du regard que portaient les individus sur les hommes et les femmes.
Derrière ces termes aux sens proches mais dissemblables, de quoi parle-t-on ?

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Dessin réalisé par Deligne montrant les contradictions des opposants à la "théorie du genre"

Reuters

La Manif pour Tous avait décidé d’en faire son nouveau combat en 2016, accusant le gouvernement de faire de la « théorie du genre » à l’école, c’est à dire nier la différence entre les sexes. Cette polémique est une parfaite illustration de la proximité entre « sexe » et « genre ». Marlène Coulomb-Gully résume la différence de sens en deux aspects : l’un biologique et l’autre sociétal. D’un côté, le « sexe » correspond à ce qui désigne le caractère masculin ou féminin. De l’autre, le « genre », qui est la construction sociale que l’on se fait à partir des caractéristiques sexuelles. Plus simplement, « la société crée des représentations de genre », conclut-elle.

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Marlène Coulomb-Gully est spécialiste de la représentation du genre dans les médias. Elle est notamment l'auteure de Femmes en politiques, en finir avec les seconds rôles, publié en 2016.
La femme comme un « moindre mâle »

L’historien Thomas Laqueur, professeur à l’Université de Berkeley en Californie et spécialiste de la sexualité, a montré, dès 1992, dans son ouvrage La fabrique du sexe. Essai sur le corps et le genre en Occident l’évolution des reproductions sociales des sexes. De l’Antiquité au XVIIIe siècle, la vision du sexe unique domine, influencée par les travaux sur l’anatomie d’Aristote ou de Galien de Pergame. Pendant longtemps, la femme a été considérée comme un « moindre mâle » détaille Marlène Coulomb-Gully, de part la disposition des organes génitaux à l’intérieur ou non du corps humain.

« On pensait que les organes sexuels des femmes étaient une intériorisation des organes sexuels masculins », Marlène Coulomb-Gully.

Thomas Laqueur présente aussi un deuxième modèle qui apparaît avec les premières féministes Anna Wheeler et Sarah Ellis aux XVIIIe et XIXe siècle. Les deux sexes masculin et féminin sont clairement différenciés. Les genres définissent alors des qualités, vertus et rôles en fonction de racines biologiques.

Ces évolutions de la définition au cours du temps ont amené les chercheurs universitaires à se pencher plus précisément sur la question et en faire un vrai sujet d’étude dès 1960. Le tout premier colloque consacré au genre est organisé en France en 1982 par le Groupe de recherches interdisciplinaires d’études de femmes (Grief). Aujourd’hui, le sujet est étudié dans le monde entier.


Pourtant, encore aujourd’hui le « genre » précède le « sexe » avec la représentation de nombreux stéréotypes au sein de la société. Par exemple, l’appropriation des couleurs bleu et rose pour les garçons et les filles. Les symboles homme-femme sur les toilettes publics en est un autre. Le nombre d’agressions homophobes en pleine rue en est aussi l’expression, tout comme le fait qu’un enfant serait moins bien élevé par un couple homosexuel, défendu par les plus radicaux. Enfin, l’homosexualité puis la question du trans-genre et du troisième genre pour ceux qui ne se reconnaissent ni en tant qu’homme ni en tant que femme, amène une nouvelle fois à se questionner autour de ces notions, brisant le binarisme des genres présent depuis toujours.

Bastien Thomas

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