LE 13 INFORMÉ

Le journal école du master journalisme de l'EJCAM

Marseille, bientôt intelligente

Crédit photo : Auriane Duffaud

Lecture zen

Depuis 2007, le quartier des Crottes au nord de Marseille est suspendu par les élingues de quelques grues. Le projet d’écoquartier porté par Eiffage se fait attendre. Les deux premières tours de 17 étages, désormais habitées, laissent entrevoir ce que sera Smartseille fin 2020.

En plein cœur du 15ème arrondissement de Marseille, certaines étincelles ont des airs de bougies. Dix ans que le constructeur Eiffage ferraille les dalles de son futur écoquartier, de 2.7 hectares. Dix ans que sa brochure « Smartseille » se balade dans tous les forums écolos promettant une ville aux allures futuristes. En équilibre sur les échafaudages, les maçons restent à l’ombre des deux immeubles qu’ils viennent de terminer. « On les appelle îlot A et îlot C », précise Romain, responsable de programmes chez Eiffage. « Pour l’instant, on a fait un immeuble pour les bureaux de la mairie, un autre pour le siège d’Eiffage, un hôtel B&B, 50 logements sociaux et 60 en accession libre », poursuit –il.

Les data, au coeur de l’écoquartier

Il faudra attendre 2020 pour que tous les travaux soient terminés. Seront alors érigés cinq blocs d’immeubles qui constitueront, à eux seuls, une ville intelligente à taille humaine. Tout est pensé pour que chaque habitant ou salarié n’ait besoin de rien. Crèche, école, entreprise, conciergerie ou encore parking, chacun des services est avant tout porté par une conscience écologique, permettant d’adapter la ville aux conséquences du changement climatique. Et en bonus, les abords de la mer à quelques dizaines de mètres.

Mais si le maillage développement durable et vie de quartier est possible, c’est grâce à l’intervention des data. « On a récupéré les informations personnelles de chaque adhérent en accord avec la CNIL puis on les a mis dans une base de données que l’agrégateur numérique se charge de gérer », explique Romain. Ce système, il l’appelle le « tablophone », une contraction de tablette et téléphone. Chaque habitant en possède un dans l’entrée de son appartement.

« J’en ai un mais je sais pas à quoi il sert », rigole Emeline qui vient d’emménager au 14ème étage. Elle fait partie des 80 personnes qui ont eu accès à l’îlot C, il y a un mois. Si elle ne sait pas encore utiliser l’étrange machine fixée à côté de sa porte, elle découvrira plus tard qu’elle a accès à l’application « coaching énergétique ». Il s’agit d’une plateforme reprenant toutes ses consommations : eau, électricité et chauffage. Chaque mois, elle pourra alors recevoir des astuces pour l’améliorer et même comparer anonymement sa consommation avec ses voisins.

« J’ai toujours une place »

Fathy, habitant du 9ème étage utilise principalement la tablette pour son application parking. « J’ai toujours une place » sourit-il. Eiffage a en effet compris la grande problématique des Marseillais et a mis en place un parking sous-terrain mutualisé, où chacun peut réserver une place directement à partir de chez lui. L’identification est alors possible, grâce au scan de la plaque d’immatriculation. A terme, des voitures électriques seront également à disposition.

Au rez-de-chaussée, Laurent déambule dans les 250 m² de conciergerie. Bonnet de Père Noël sur la tête, il sourit aux quelques salariés qui viennent de passer la porte. « Etre concierge ici c’est valorisant, on devient le lieu de vie du quartier », confie-t-il. Si Laurent est fier c’est en partie grâce aux nombreux services que propose cette e-conciergerie disponible directement depuis les tablettes. « Les habitants et salariés peuvent avoir accès à des services de couture, réunion, massage, coiffure, travail, réparation, restauration (…). On propose même des afterworks pour que tout le monde se rencontre ».

« C’est pas expliqué dans les brochures »

Assis à table, Arthur et Thomas discutent sur fond de match de pétanque. Ils travaillent dans les nouveaux bureaux de la ville de Marseille depuis quelques mois. Ils se retrouvent chaque midi à la conciergerie. « Avant on travaillait au Prado dans le centre, il y avait beaucoup de commerces et boulangeries mais là dans ce quartier à part quelques offres c’est vraiment faible » explique Arthur, pas très enthousiasmé par Smartseille. « Franchement c’est pas un cadre idéal et c’est pas expliqué dans les brochures, il y a quand même un décalage », ajoute Thomas.

Eiffage a pris le pari de construire dans le quartier des Crottes, dans le 15ème arrondissement de Marseille. Après l’apparition du Mucem en 2013 et des Terrasses du Port en 2014, le groupe a souhaité ouvrir un nouveau chapitre innovant. Avec une première réalisation de l’Ecocité Euroméditerranée. Si la localisation ne l’a pas freiné, c’est aussi parce qu’Eiffage compte sur l’ouverture de la station Gèze (terminus du tram 2) d’ici quelques mois. « Au début on a pris de gros risques, les engagements étaient trop poussés et on avait aucun retour sur expérience, mais pour l’instant, on est confiant », résume Romain, responsable de programmes chez Eiffage. Reste plus qu’à attendre que les étincelles s’essoufflent pour dresser le bilan.

Marjorie Nadal (article)
Auriane Duffaud (enrichissements)

Auteur·trice