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Odysseo, le « projet fou » devenu flou

Frioul + vue marseille

La rade de Marseille depuis les îles du Frioul. Photo : Louis Rengard.

Annoncé dans le volet culture du plan « Marseille en grand » en septembre 2021, le projet Odysseo entend sensibiliser au réchauffement climatique en Méditerranée. Pour ce faire, deux lieux mêlant innovation, formation, culture ou encore incubateur devraient ouvrir à Marseille d’ici à 2026. Point d’étape de ce projet qui vire au flou.

C’était « le fruit d’un mariage baroque entre deux rêves fous » d’après Emmanuel Macron. Un projet d’envergure internationale capable de situer Marseille sur le front de la transition écologique dès 2026 : « Un réseau de lieux de sensibilisation, de recherche, de formation, d’innovation sur les pays bordant la Méditerranée ». Un an et demi plus tard, difficile de savoir ce qu’il en est véritablement. Pire, il est même impossible d’avoir une définition simple et claire de ce qu’est Odysseo, réunion des projets Marsa, porté par le designer Ora-ïto, et Neede, porté par Cyprien Fonvielle et Françoise Nyssen.

En fait, rien n’est définitif, assure-t-on du côté de la préfecture. C’est au président de la République de trancher sur le projet. Pour cela, il dispose d’une étude fournie par Neede et Marsa en fin d’année 2022. Ce document technique de 70 pages, transmis aux différents partenaires du projet et dont quasiment rien n’a filtré, patiente dans un coin de l’Elysée en attendant que son locataire y jette un oeil. À Marseille, l’énigme est telle que les principaux concernés, Hervé Menchon, adjoint à la mer de la Mairie de Marseille, et Didier Réault, président du Parc National des Calanques, indiquent ne pas savoir où en est le projet. Ce dernier était pourtant présent lors de l’attribution d’une subvention à l’association Neede pour qu’elle puisse réaliser la mystérieuse étude.

« En gros » : approximations en série

Et où ces projets s’implanteront-ils ? Selon plusieurs sources, la gare maritime de la Joliette serait pressentie pour accueillir un « nuseum » ainsi que plusieurs structures avec des buts éducatifs et scientifiques différents. Difficile d’en dire plus tant les concepts énoncés sur le site internet de Neede sont vastes. Contactés, Cyprien Fonvielle et Dinesh Teeluck, respectivement directeur général et responsable de la stratégie, n’ont pas trouvé le temps pour nous répondre. En ce qui concerne Marsa, projet dédié à l’art porté par l’artiste Ora-ïto, le lieu vraisemblablement retenu serait le fort de Brégantin, au Frioul. Le designer marseillais est propriétaire des lieux depuis le début des années 2010, mais ne souhaite pas s’exprimer sur son projet, nous faisant savoir « que le projet avance, nous communiquerons en temps voulu ». Laurent Carrié, serviteur de l’Etat, tente de se mouiller sur le fond des projets mais parle « en gros » : « L’idée c’est de faire une vitrine de la vie de demain, en gros la vie post transition écologique, en gros avoir des formations, de la recherche autour de ce que sera la vie quotidienne de demain. » Difficile d’y voir clair.

Le flou entretenu autour des lieux et des projets va jusqu’à en perdre nos interlocuteurs sur le budget nécessaire à la réalisation d’Odysseo. Christophe Madrolle, conseiller régional spécialisé sur les questions de biodiversité maritime et du littoral, estime le coût global à 60 millions d’euros pour Odysseo. Olivier Martocq, journaliste régulièrement présenté comme conseiller du projet – titre qu’il dément –, annonce 100 millions d’euros uniquement dédiés à la construction d’un nouveau bâtiment au niveau de la gare maritime. Le plus mesuré – ou le moins libre de s’exprimer ? – Laurent Carrié pronostique des dizaines de millions d’euros sans donner plus de détails.

Les racines du projet Odysseo ne sont pas nouvelles.

L’horizon 2026 s’éloigne

Une chose est sûre, le projet Odysseo regorge de points à éclaircir. Le journaliste Olivier Martocq, par ailleurs président de l’union maritime de l’Île de Porquerolles, nous assure que la pièce maîtresse du projet présidentiel est la transformation électrique des 428 000 bateaux de plaisance présents en Méditerranée. Mais ce projet de « refit » (c’est son nom) « n’existe pas » pour Christophe Madrolle, ou est au moins distinct du projet global Odysseo selon Laurent Carrié. C’est à ne plus savoir qui croire.

À moins de trois ans de la date de rendu, rien n’est encore véritablement lancé. Se pourrait-il que le projet recule ? Le 2 février dernier, le média Gomet révélait les doutes et l’agacement du président de la République sur la tenue du projet dans de telles conditions. Alors, de là à envisager une date de livraison… Sur le site de la fondation Neede, on continue de croire à un lancement en 2026. Mais ce sont surtout les choix d’Emmanuel Macron qui décideront des dates finalement retenues, en témoigne le numéro d’équilibriste de Laurent Carrié lorsqu’on l’interroge sur le sujet : « Je pense qu’on est capable de faire des choses mais à défaut d’arbitrage et selon les scénarios, je suis très embêté de vous répondre et je me garderai bien de le faire. » Dans le taxi de la transition écologique, le compteur tourne et la Méditerranée attend encore. 

Auteur·trice
Mathias Dugas Oliver
Auteur·trice
NICOLAS BEUBLET

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