Pourquoi les plages marseillaises sont-elles si sales par temps de pluie ?

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Lors de gros épisodes orageux, des centaines de détritus jonchent les côtes marseillaises, notamment la plage de l’Huveaune. En cause ? Le manque de propreté de la ville, mais une grande partie des déchets qui se retrouvent sur les plages viennent souvent de beaucoup plus loin.

Depuis début septembre, des cendriers fleurissent aux abords des plages marseillaises. Chacun d’eux peut contenir jusqu’à 10 000 mégots, qui seront ensuite recyclés pour produire de l’énergie. L’objectif de ce marché passé entre la ville et la société Cy-clope est de réduire la pollution des plages.

“Les cendriers, c’est une chose, mais il faudrait déjà commencer par ramasser les déchets !” estime Marine, qui se baigne tous les jours sur les plages du Prado, en montrant des paquets de sandwichs sur le trottoir. Chaque année, ce sont des tonnes de déchets qui finissent leur course sur les plages durant les fortes intempéries. “Les élus ne font pas le nécessaire” dénonce-t-elle. La Ville et la Métropole Aix-Marseille s’accusent mutuellement d’être responsables de cette situation qui entraîne la fermeture des plages.

Des transferts de compétences

C’est la Métropole qui est chargée de la collecte des déchets et de la propreté de Marseille, deux services distincts. Le premier s’occupe du ramassage des ordures, assuré par les éboueurs. Le second, du nettoyage de ce qui reste dans les rues, avec une autre spécificité : la mairie de Marseille détient la compétence de la propreté sur ses espaces publics (parcs, écoles, mais aussi les plages).

Le système n’est aujourd’hui pas fonctionnel. Pour Christine Juste, élue en charge de l’environnement à la ville, “les moyens mis en place par la métropole pour améliorer le ramassage des déchets ne sont pas à la hauteur des enjeux. Cela coûte très cher aux contribuables et à l’environnement ”, regrette-t-elle. “Cet été il y avait plus de 30% d’absentéisme. Parfois, les éboueurs ne sortent même pas, il n’y a pas de tournée d’un jour, deux jours, trois jours ! Comment voulez-vous que la ville soit propre ?” Lors de la dernière grève des éboueurs en février 2022, ce sont plus de 2000 tonnes de déchets qui se sont entassés dans les rues.

La municipalité souhaitait récupérer la compétence de la collecte des déchets, mais la loi 3DS (différenciation, décentralisation, déconcentration, simplification) ne la lui a pas accordée. Cette loi lui offre en revanche la possibilité de récupérer la compétence entière de la propreté. Des discussions sont en cours entre les deux instances. Mais si la municipalité récupère cette compétence, la situation risque de se complexifier. Christine Juste l’admet elle-même : “ Ça va être très compliqué, où commence la propreté et où cela s’arrête ? Qui va ramasser tous les déchets posés au sol ? Je crains que la métropole nous dise que c’est à nous de le faire, mais nous n’aurons pas les moyens de nous en charger puisque nous ne nous occuperons pas de la collecte”.

“Les plages sont victimes des polluants déchargés dans l’Huveaune et les Aygalades”

Toute la complexité du sujet réside dans le fait que les déchets qui se retrouvent sur les plages marseillaises ne proviennent pas que de la ville. Lors de phénomènes orageux, ce sont les déchets transportés en amont par les fleuves côtiers qui se déversent sur le littoral. 

Les plages de Gaston Deferre sont victimes des polluants qui sont déchargés dans l’Huveaune et les Aygalades, bien avant Marseille”, rappelle Richard Hardouin, président de la fédération départementale des Bouches-du-Rhône des associations de Protection de la Nature.  

En période normale, l’Huveaune est filtré par les dégrilleurs (grilles qui piègent les déchets) de la station de la Pugette, créée en 1979 et gérée par la société SERAMM (service d’assainissement Marseille métropole). Le ruisseau des Aygalades est quant à lui filtré par les dégrilleurs de la station Zoccola. L’Huveaune est ensuite dévié de son lit naturel vers l’anse de Cortiou.

Lire aussi : “Polluons-nous toujours les calanques de Marseille avec nos déchets ?”

Mais lors de fortes pluies, cette protection ne fonctionne plus. Une bénévole de l’association MerTerre explique que “La Seramm, responsable de la gestion des cours d’eau, ouvre les vannes pour éviter que le barrage casse lorsque le débit d’eau est trop important. Les déchets partent alors directement vers la mer.” Or, c’est justement en période de fortes pluies que l’Huveaune transporte le plus de déchets susceptibles de venir s’échouer sur les plages.

Ainsi, d’après une étude menée par Romain Tramoy, sur l'estimation des flux de macrodéchets sur le bassin de l'Huveaune, par an, le barrage ne filtre que 65% des flux de macrodéchets de l’Huveaune. 35% du flux est donc déversé en mer, soit entre 0,5 et 2 tonnes par an.

Mais alors, quelle est la solution ?

Les différentes associations de protection de l’environnement ont un même leitmotiv : il faut réduire notre quantité de déchets. En attendant qu’une réelle prise de conscience ait lieu, différentes actions sont mises en place par les acteurs associatifs.

Marie, membre de l’association MerTerre explique qu’un “réseau sentinelle est mis en place parmi les associations de protection de l’environnement de Marseille. Les gens disent qu’à tel ou tel endroit il y a une accumulation de déchets et qu’il faut y aller et les associations s’organisent pour faire des opérations de ramassage des déchets.”

Les associations ont aussi d’autres façons d’agir contre cette pollution. FNE13, par exemple, n’organise pas de collecte de déchets, mais tente plutôt de résoudre le problème à la source. “On recherche les pollueurs, et on leur demande de s’expliquer. On informe le maire de la commune où on a identifié le vecteur de pollution, et on lui demande d’agir. Si ça ne change rien, on passe au-dessus, et on attaque une démarche contentieuse, avec un dépôt de plainte”, explique Richard Hardouin, président de FNE 13, particulièrement inquiet par la pollution invisible. Car si en période de fortes pluies, une partie des déchets peut être ramassée sur les plages par des bénévoles afin de limiter l’impact environnemental, la pollution invisible poursuit quant à elle sa course en mer.

Louise Gal

Auteur·trice
Louise Gal

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