LE 13 INFORMÉ

Le journal école du master journalisme de l'EJCAM

S’aimer dans le monde d’après

L'amour à l'ère COVID.

La Covid-19 a provoqué une évolution des moeurs considérables. Les relations amoureuses ont fortement été affectées par cette situation. Confinements, couvre-feu et autres mesures restrictives, les schémas amoureux ont subi des modifications importantes : pour le meilleur et pour le pire.

Après plus d’un an plongé dans la pandémie, certains mots riment aujourd’hui avec “coronavirus » : restaurants, commerces, vaccins, culture, réanimations… L’amour semble avoir disparu de nos discussions, et beaucoup ont fait le choix de penser au collectif et d’oublier les sentiments pour quelques temps. Pourtant,  les relations amoureuses ont été énormément impactées depuis le premier confinement de mars 2020. Les célibataires mais aussi les couples ont dû apprendre à aimer d’une autre manière. Certains ont vécu le confinement ensemble comme un , tandis que d’autres ont pu profiter de cette période pour consolider leur couple. C’est ce qu’explique Véronique Kohn, psychologue spécialisée dans les thérapies de couple. Aujourd’hui elle propose des séances et des ateliers en présentiel, mais aussi et surtout en visioconférence. Dans les deux cas, elle remarque une déprime générale liée au confinement et au couvre-feu. « On ne peut plus voir personne, on ne peut plus sortir dans les cafés ou les bars pour faire des rencontres. » Pour elle, le vrai problème est qu’aujourd’hui les contraintes sont plus nombreuses qu’avant pour les célibataires. « C’est beaucoup plus difficile aujourd’hui de rencontrer quelqu’un, il existe que les sites de rencontre. Et ces derniers posent également problème, car il faut faire venir un homme ou une femme qu’on ne connaît pas chez soi pour un premier rendez-vous. »

Une redéfinition de l’engagement

Mais Véronique Kohn souligne également le mal-être des couples. S’il est difficile de les faire venir ensemble en thérapie, elle sait que “beaucoup n’avaient pas l’habitude d’être les uns sur les autres, parfois ca a finit très mal”. C’est le cas d’Elisa. Confinée avec son copain de l’époque dans son appartement lyonnais en mars dernier, son idylle a vite tourné au cauchemar. « J’ai dû faire face à quelqu’un qui était limite dans un état dépressif, c’était la descente aux enfers ». Pendant plusieurs mois, la jeune femme de 23 ans gardait en tête l’espoir d’un déconfinement rapide pour retrouver l’homme qui l’avait fait craquer. « Au bout d’un moment, j’ai réalisé que le covid avait vraiment détruit notre relation, en révélant des traits de sa personnalité que je ne connaissais pas et que j’aurais préféré ne pas connaître ». Même constat pour Clara, qui a quitté son copain après 4 ans de relation. « On arrivait plus a se supporter, j’ai appris avec le confinement que la liberté et l’indépendance dans un couple c’est très important » raconte-t-elle.

Les expériences de ces deux jeunes femmes révèlent un constat global confirmé par les études. Aujourd’hui, l’amour et l’engagement ne sont plus perçus de la même manière que “dans le monde d’avant”. Les relations sérieuses sont moins recherchées par les célibataires. Les “coups d’un soir” sont préférés. Mathieu en parle sans tabou. Étudiant, il n’a pas hésité à braver les restrictions sanitaires pour son bonheur personnel. “Je suis quelqu’un qui a besoin de rencontrer du monde, c’est un besoin!” il raconte. Selon une étude Ifop, en octobre dernier, 31% des Français, soit près d’un tiers étaient inscrits sur un site de rencontre en ligne. Un chiffre en hausse de 9 points par rapport à janvier 2020. Toutefois, les attentes divergent: 67% des femmes disent rechercher davantage une relation sérieuse (+5 points par rapport à janvier 2020), tandis que les trois quarts des hommes (73%) disaient vouloir avant tout une relation “purement sexuelle”. Un chiffre en hausse de 4 points par rapport à janvier 2020.

La psychologue Véronique Kohn explique cette tendance par le manque d’horizon. Un manque de projection qui redéfinit l’engagement pour les célibataires et les couples. Depuis mars dernier, la circulation du virus a entraîné le report voire l’annulation de cérémonies de mariage. « Ceux qui ont déjà dû repousser une ou deux fois ne voient pas le bout du tunnel. Ils n’ont plus le goût à la fête » raconte Mélissa Humbert, présidente de l’Union des Professionnels Solidaires de l’Evénementiel (UPSE). Linda est pharmacienne. Elle avait prévu de se marier en août dernier. Mais pour elle, fêter son union sans tous ses amis et sa famille était impensable. «J’ai décidé de tout annuler pour attendre que la situation s’améliore. Finalement, un an après, rien n’a changé… Je ne sais même plus si le mariage est important pour moi, je m’en fous ! » Comme elle, ils sont nombreux à redéfinir leur priorité, et le mariage n’en fait plus forcément partie. Pour son amie Maya, c’est le contraire. Malgré les restrictions sanitaires, la jeune femme de 28 ans a fait le choix de dire oui à son mari Mahmoud en décembre. « On avait prévu un grand mariage avec 200 personnes dans un grand hôtel-restaurant, mais finalement on a organisé une petite cérémonie très familiale dans la maison de mes parents. » Les deux amoureux mettaient un point d’honneur à cette union et en gardent un très bon souvenir. « On avait les personnes les plus importantes autour de nous, et finalement on n’avait besoin de rien d’autre pour être heureux! ». En 2020, 155 000 mariages ont été célébrés devant le maire, soit 31% de moins qu’en 2019. 

Un couple pose en portant des masques le jour de leur mariage.
Crédits : Maghradze PH /Pexels

Un baby-crash en 2020 

Pendant des mois, les experts ont prédit un baby-boom en début de l’année 2021. Toutefois, les récentes statistiques révèlent au contraire une chute des naissances. Les chiffres recueillis par l’INSEE montrent une baisse de 2% de la natalité en France en 2020. Si le nombre de naissances diminue chaque année depuis six ans en raison de grossesses de plus en plus tardives avec une fertilité moindre, c’est surtout la pandémie qui a causé cette chute. Pour Éva Beaujouan, chercheuse sur la fertilité tardive « cette période a été beaucoup plus stressante que prévu et a entraîné de très grands changements pour les gens en termes de travail et de chômage ». Malgré ce constat, Charline a tenu à devenir mère. Elle est tombée enceinte pendant le premier confinement, « ma grossesse est estimée au 21 avril ». Le petit Clément est né le 3 janvier, fruit d’un projet de longue date entre les jeunes parents. « On voulait avoir un enfant, mais on n’a pas trop réalisé les risques du Covid. Quand je suis tombée enceinte, c’était au tout début de la pandémie donc nous ne pouvions pas savoir qu’un an après rien n’aurait changé! » raconte-t-elle tout en s’occupant de son nouveau-né. Aujourd’hui, la petite famille est heureuse, mais l’institutrice remplaçante repense souvent aux difficultés vécues pendant 9 mois. « J’étais vraiment inquiète, il n’y avait à ce moment aucun recul pour les femmes enceintes, et avec mon métier j’étais sans cesse exposée aux risques. » Le corps médical a pris la décision de l’arrêter bien avant le troisième trimestre pour sa sécurité et celle de son bébé. « Je ne sortais quasiment pas, j’ai même dû accouché avec le masque! s’exclame-t-elle, encore aujourd’hui on fait très attention, mes parents n’ont jamais vu leur petit fils sans porter le masque… ».

 Des gestes barrières devenus mécanismes et des questions laissées sans réponses. Comment se fera le retour à la normale? “Il y aura deux types de personnes à la sortie de la pandémie. Ceux qui vont se sauter dans les bras et ceux qui vont regarder les autres avec méfiance et angoisse” anticipe Véronique Kohn. Pour elle il n’y a pas de solution miracle, mais le plus important « c’est de communiquer, évaluer les risques et ne pas sauter sur tout ce qui bouge ». Elle explique qu’il faut tout faire pour éviter le risque de psychoses, sans non plus être dans le déni. « La difficulté est de trouver le juste milieu. Ce que je ne préconise surtout pas, c’est de garder des relations virtuelles pendant des jours, et ainsi de rester dans le fantasme et retarder la rencontre avec l’autre ». 

Un constat pas si noir: l’amour comme remède

S’aimer dans le monde d’après. Un challenge à l’apparence effrayant et déprimant. Pour autant, comme l’écrivait Jean-Paul Sartre l’amour peut être salvateur et nous donne une justification d’existence. Anaelle et Antonin ont par exemple choisi d’aimer pour tenir le coup pendant cette période.  Elle est esthéticienne à Nice tandis que lui travaille sur Poitiers en tant que commercial. En couple depuis 6 mois, la crise sanitaire leur a permis de mettre un terme à leur relation à distance. “Nous avons pu nous confiner ensemble et cela a renforcé notre couple. Passer 24h/24h ensemble c’était un risque, soit ça passe soit ça casse. Heureusement pour nous c’est passé! » plaisante la jeune femme. « Sexuellement également, nous avions tout le temps pour appréhender nos corps et comme nous étions enfermés, forcément nous avons voulu essayer plein de nouvelles choses », raconte Antonin. Aujourd’hui, le couple n’attend qu’une chose: habiter ensemble définitivement. « Nous avons survécu à deux confinements ensemble, ça a marché donc il reste plus qu’à emménager ensemble! » 

Arthur est lui aussi reconnaissant. Le confinement a permis à cet étudiant en cinéma de 23 ans de rencontrer sa copine. « C’était ma voisine et le premier week-end du confinement, elle m’a écrit pour me proposer une soirée parce qu’elle en avait marre d’être enfermée », raconte-t-il le sourire aux lèvres. « On a fini par se voir régulièrement et on a décidé de se mettre ensemble fin mai ». Depuis, les deux étudiants vivent le parfait amour. « Le confinement nous a donné la chance de vivre ensemble très vite et d’avoir des discussions très poussées. Du coup, on n’a pas du tout peur de se projeter et de vivre ensemble. » 

Les gestes font place aux mots avec la pandémie.
Crédits: Gustavo Fring/ Pexels
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