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SPORT. Marseille, une nouvelle terre de rugby ?

Match de rugby de Saint-Laurent du Var au stade Jean-Bouin

Les joueurs de Saint-Laurent du Var, en bleu, quittent la pelouse de Jean-Bouin. / Crédit : Clément Poulet

Depuis que Fabien Galthié a pris la tête du XV de France en 2019, le nombre de licenciés a fortement augmenté dans tout le pays. Qu’en est-il à Marseille où le football est roi ? La cité phocéenne, qui accueillera plusieurs matchs de la Coupe du Monde de rugby 2023, se familiarise de plus en plus avec le ballon ovale.

Quoi de mieux pour prendre le pouls du rugby marseillais que d’assister à un match de Fédérale 3 du SMUC (Stade Marseillais Université Club), premier club de la région Sud en termes de licenciés ? Cette année, 600 rugbymen et rugbywomen se sont inscrits pour pratiquer la discipline en compétition ou comme loisir. Un engouement qui ne cesse de croitre au fil du temps et que le SMUC doit limiter faute de place et par manque d’encadrement. « Tous les ans, nous sommes obligés de refuser du monde. En 2022, nous avons reçu encore plus de demandes qu’à l’accoutumée », constate le directeur sportif de l’école de rugby du SMUC, Nayssim Belagoune. Dans les Bouches-du-Rhône, le rugby est de plus en plus en vogue et devient une réelle alternative au football. « Dans tout le département, on recense plus de 7 000 licenciés répartis dans 41 clubs. Un chiffre en constante évolution », indique le président du comité de rugby des Bouches-du-Rhône, Jean-Christophe Bouisset. Sur le plan national, la Fédération française de rugby enregistre une augmentation de 14% de ses licenciés en un an.

Le SMUC : chef de file du rugby marseillais

Direction le stade Jean Bouin pour voir si cette ferveur se ressent sur le terrain et en tribunes. Quatrième de sa poule de Fédérale 3, le SMUC affronte le Stade Laurentin. La qualité de jeu n’est pas aussi pauvre que pourrait laisser penser cette faible division. D’après Nayssim Belagoune, le niveau de rugby dans les Bouches-du-Rhône a considérablement augmenté ces dernières années. « Provence Rugby se stabilise en Pro D2 depuis 2018, le CO Berre joue les premiers rôles en Fédérale 1 et nous, nous grimpons les échelons petit à petit ». Il y cinq ans, le club était en division d’honneur.

Entrée SMUC
Le SMUC, plus grand club de la région Sud, plafonne son nombre de licenciés à 600. / Crédit : Clément Poulet

Dans les gradins bien garnis, le public donne de la voix sur un ton à la fois décalé et assumé. Ça « chambre » comme on dit dans le jargon rugbystique. « Va te racheter des mains », lance un ultra de l’équipe adverse en visant l’ailier du SMUC, auteur d’un en-avant. Pas épargné, l’arbitre en prend pour son grade. « Tu en as pas marre de siffler n’importe quoi (…) Ne garde pas les cartons pour le déménagement », protestent plusieurs supporters. Malgré ces indignations, l’ambiance reste bon enfant. La bière coule à flot. Les pichets se vident au même rythme que la vitesse de l’arrière du SMUC.

« Le rugby n’a plus l’image d’un sport de bourrin, soutient Jean-Christophe Bouisset. Le fait que les Bleus carburent bien ces derniers temps et que la Coupe du monde 2023 en France se profile, explique la bonne santé actuelle du rugby français. » A l’image de Matheo Bouc-Scaglia (voir ci-dessous), de plus en plus de jeunes Marseillais arrêtent le football et se tournent vers le rugby. Pourtant, Nayssim Belagoune est catégorique : « Marseille ne sera jamais une terre de rugby car la passion pour le ballon rond est trop dévorante ». La deuxième ville de France vit au rythme des matchs de l’OM. Dès le plus jeune âge, les minots rêvent de fouler un jour la pelouse du stade Vélodrome.

Le XV de France et le stade Vélodrome : une histoire d’amour

Outre le football, l’enceinte sportive y accueille des rencontres de rugby. Depuis 2009, le Rugby club toulonnais a pris l’habitude de délocaliser ses affiches de gala de Top 14. Et c’est un succès. Avec 64 800 spectateurs, le choc entre le RCT et le Stade Toulousain de 2015 constituait un record d’affluence pour l’Orange Vélodrome (battu en 2019 lors d’un Olympico). Le temple de l’OM porte bonheur au XV de France. Depuis 2000, les Bleus y ont joué 13 matchs. Bilan : 11 victoires et seulement deux défaites. Le 12 novembre dernier, l’équipe de France revenait au stade Vélodrome, quatre ans après, pour un match test face aux champions du monde sud-africains. Dans un chaudron en ébullition, les Bleus se sont offert les Springboks (30-26). Selon le troisième ligne Anthony Jelonch, qui a pourtant joué dans les plus grands stades de rugby comme Twickenham (Angleterre) ou le Millenium de Cardiff (Pays de Galles), « le Vélodrome n’a pas d’équivalent ». En septembre 2023, les coéquipiers d’Antoine Dupont fouleront à nouveau la pelouse de l’Orange Vélodrome à l’occasion de leur troisième match de poules de la Coupe du monde de rugby, face à la Namibie.

Toulon-Toulouse (Top 14 rugby) au stade Vélodrome le 18/02/2023
Un stade Vélodrome plein accueillait le 18 février un match de Top 14 (Toulon-Toulouse) / Crédit : Clément Poulet

Ceux qui ne disposeront pas d’un billet pour assister à la rencontre prendront d’assaut les bars de la ville. Le Rookie’s, situé Cours Estienne d’Orves, est le nouveau lieu privilégié des passionnés par le monde de l’ovalie. Ce lieu, qui compte 24 télévisions, vient d’ouvrir ses portes il y a cinq mois. Depuis son ouverture, c’est l’événement sportif qui a convié le plus de monde : France – Afrique du Sud. La manageuse, Mathilde, se souvient d’une soirée inoubliable : « Ce soir-là, les supporters français et sud-africains sont venus en nombre plusieurs heures avant le match pour mettre l’ambiance. Des Peña Baiona ont été lancées dans la bonne humeur ».

A moins de 100m du Rookie’s, The Queen Victoria est l’autre établissement convoité des fans du ballon ovale. Sur le Vieux-Port, ce pub affiche complet à chaque retransmission rugbystique. D’après le serveur Federico, « le rugby réunit tout le monde. L’ambiance y est toujours conviviale et fraternelle ». Originaire d’Argentine, ce fervent supporter des Pumas s’attend à « une ferveur populaire qui va s’emparer de la cité phocéenne » pendant le Mondial de rugby 2023.

Trois questions à Mathéo Bouc-Scaglia, pilier dans la catégorie M14 au SMUC Rugby
Mathéo Bouc-Scaglia, pilier catégorie M14 au SMUC Rugby
Mathéo Bouc-Scaglia, 13 ans, joue au poste de pilier dans la catégorie M14 au SMUC Rugby. / Crédit : Clément Poulet

Avant d’en venir au ballon ovale, le jeune Mathéo Bouc-Scaglia s’est beaucoup cherché. Après le hockey sur glace, la boxe et le handball, c’est sur le football qu’il a jeté son dévolu. Comme les Marseillais de son âge, le ballon rond était une évidence mais la suite lui a donné tort.

Pour quelles raisons avoir arrêté le football au profit du rugby ?

J’avais fait le tour en tant que défenseur central du Sporting Club de Bonneveine. Je ne me voyais pas continuer alors que je ne prenais plus de plaisir en matchs. C’était devenu une corvée de s’entraîner. Depuis tout petit, je m’intéresse au rugby mais je n’ai jamais osé franchir le pas. J’ai réfléchi et je me suis dit que du football au rugby, il n’y avait qu’une passe. En m’engageant dans cette nouvelle discipline, je me lance un challenge. Un de plus.

Aucun regret ?

Absolument pas. Pour moi, le football en compétition, c’est fini. Je n’en referai plus. La mentalité n’était pas saine contrairement à celle du ballon ovale, plus respectueuse. Cela fait maintenant six mois que j’ai débuté le rugby au poste de pilier au SMUC, dans la catégorie des moins de 14 ans. Je m’éclate ! J’ai enfin trouvé un sport qui me correspond de A à Z. Je peux pleinement m’exprimer sur le rectangle vert en mettant à profit de mon équipe mes qualités : fougue, vitesse et force. Et ça paye, je suis décisif à chaque rencontre en marquant des essais.

Pourquoi avoir décidé de rejoindre le SMUC ?

Tout simplement car c’était le club situé le plus proche de chez moi. Mon frère, qui y a joué plusieurs saisons, m’a conseillé de le rejoindre. Je l’ai écouté. Depuis que j’ai foulé la pelouse de Jean Bouin pour la première fois, j’ai compris que j’avais mis les pieds dans un grand club. Cela s’est confirmé quand j’ai appris que grâce à ma licence au SMUC, je pouvais assister au test match France – Afrique du Sud, au stade Vélodrome. Un rêve de gosse devenu réalité. En tribunes, l’ambiance était exceptionnelle. Il y avait une communion entre le public et les joueurs. J’espère un jour pouvoir vivre des émotions similaires sur le terrain. L’histoire nous le dira.

Auteur·trice
Clément Poulet

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