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Supporters de l’OM en prison : dans les coulisses d’une audience inédite

Crédits : Jorono / Pixabay

Lundi, huit des quatorze prévenus ont été placés en détention provisoire par le tribunal correctionnel de Marseille. Les six autres ont été mis sous contrôle judiciaire. Le procès a finalement été renvoyé au 24 février.

« Grosse action à la Commanderie.»  C’est le message qu’a reçu Mathieu sur Snapchat, la veille des violences au centre d’entraînement de l’Olympique de Marseille. Samedi, 300 supporters ont pris d’assaut le bâtiment. Fumigènes, feux d’artifices, projectiles, le PC de sécurité a été saccagé, le car des joueurs caillassé. Les Ultras entendaient réclamer le départ de Jacques-Henri Eyraud, le président du club. Les résultats décevants des Olympiens depuis plusieurs semaines ont mis le feu aux poudres. Sept policiers ont été blessés. Alvaro Gonzalez, défenseur de l’équipe de football, a été touché dans le dos par un tir de projectile. Vingt-cinq personnes ont été interpellées dont quatorze déférées en comparution immédiate lundi.

Dans le box, les douze mis en cause font grise mine. Quelques-uns portent encore leurs tee-shirts d’Ultra, après quarante-huit heures de garde à vue. Deux autres, dont Mathieu, comparaissent libres. Seuls trois d’entre eux sont Marseillais. Les autres viennent d’un peu partout en France : Arles, Montceau-les-Mines, Mâcon et même Angoulême. Chômeurs, livreurs, saisonniers, intérimaires, tous sont issus d’un milieu social modeste.

« Une fête d’avant-match »

Dès le début de l’audience, la présidente du tribunal interroge les quatorze prévenus, un à un. La plupart ne présentent aucun antécédent judiciaire. Ils comparaissent pour au moins un motif commun : « participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences ou de destructions ou de dégradations de biens ». Une défense collective émerge : ils se sont rendus à la Commanderie seuls et ont été arrêtés presque par hasard. Tous plaident pour une « manifestation pacifique ».

Selon plusieurs d’entre eux, ils semblaient loin de se douter du chaos qui se préparait. « Je suis venu participer à l’évènement », explique Denis alors qu’il vit en Saône-et-Loire. « Quel évènement ? », rétorque la présidente du tribunal. « Les chants », lui répond-il. Le Mâconnais raconte avoir été informé du regroupement sur les réseaux sociaux et par le journal l’Equipe.

Faisal, lui, pensait rejoindre « une fête d’avant-match ». « En arrivant, j’ai compris que ce n’était pas la même chose. Si j’avais su, je ne serais pas venu », confesse le jeune homme de 23 ans. Même son de cloche chez Mohamed, 31 ans, qui souhaitait « dire ce qu’il pensait de la direction actuelle du club ». Selon ce Marocain d’origine, le moral des supporters de l’OM est au plus bas. « J’ai suivi le mouvement, déclare-t-il. On aime ce club mais pas au point de faire des violences. »

« Je ne suis pas un supporter » 

Si un grand nombre d’entre eux a commis les faits à visage couvert, ce n’est pas le cas de Julien. Il est bouleversé de se trouver ici. « Je n’ai pas bougé de mon emplacement, je ne suis pas rentré une seconde dans la Commanderie », clame cet artisan boulanger, la gorge serrée. Il a été interdit de stade en 2017. « Ça m’a servi de leçon », commente l’Ultra. Pendant les plaidoiries des avocats, il ne cessera de pleurer.

A sa gauche, Romain a seulement 19 ans. Le nez abîmé, il reconnaît s’être introduit dans l’enceinte sportive. Sa mère rapporte que cet étudiant en immobilier est « de bonne mentalité ». Casier judiciaire vierge, il vivrait mal le manque de contact social dû aux restrictions sanitaires.

Dorian, un autre prévenu, indique ne pas aimer le foot. «Je ne suis pas un supporter de l’OM », poursuit-il. Etonnée, la présidente du tribunal lui demande ce qui l’a amené à manifester. « Je suis venu à Marseille pour faire les magasins. », justifie le prévenu qui vit à Arles. Pourtant, le jeune homme de 22 ans portait sur lui un couteau lorsqu’il a été arrêté. Il est poursuivi pour « port sans motif légitime d’arme blanche ».

« Ces faits sont inqualifiables »

André Ribes, procureur adjoint, avait requis un mandat de dépôt pour les quatorze mis en cause. « C’est inimaginable […] Ces faits sont inqualifiables », s’exclame-t-il. Il s’indigne d’une « attaque en règle ». Mais la défense, elle, conteste de « mettre tout le monde dans le même panier ». « Sur 300 manifestants, vous en avez 14. Est-ce que ce sont ceux qui courent moins vite ou ceux qui n’ont rien à se reprocher ? », questionne Me Gautier, avocat de six des supporters.

Selon Me Besset, « la trame commune, c’est le regroupement ». Une infraction passible d’un an de prison. Ce pénaliste, qui défend quatre autres Ultras, s’inquiète que les magistrats « se laissent bercer par l’émotion des images que l’on a vues à la télévision ». Il dénonce « un besoin d’exemplarité » sans l’individualisation des quatorze prévenus. Et c’est bien cette trame que le tribunal a choisi de suivre.

A l’annonce du jugement, un lourd silence s’installe dans l’auditoire. Les prévenus placés en détention en provisoire semblent ahuris. La décision est motivée par un manque de garantie qu’ils se représentent devant la justice et un risque de récidive. André Ribes se dit notamment préoccupé par le match OM-PSG prévu dimanche soir. Un argument qui a pu faire pencher le tribunal vers ce nombre élevé de mandats de dépôt.

Jusqu’au procès, les supporters sous contrôle judiciaire ont l’obligation de pointer au commissariat une fois par semaine et l’interdiction de participer à une manifestation sur la voie publique. Ils encourent jusqu’à cinq ans d’emprisonnement.

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