LE 13 INFORMÉ

Le journal école du master journalisme de l'EJCAM

Une exposition plus vraie que nature

La ville n’est plus limitée aux espaces construits, bétonnés et goudronnés, mais s’envisage désormais comme une mosaïque de milieux naturels riches et inattendus. Depuis le 8 novembre et jusqu’au 11 mars 2018, le Muséum d’Histoire Naturelle de Marseille retrace ce phénomène, et propose l’exposition « Nature en ville ».

L’intérêt pour la nature n’est pas un phénomène récent. Depuis plusieurs siècles, l’homme introduit chez lui des espèces exotiques, curiosités des jardins européens, zoologiques ou botaniques, qui reflètent les échanges commerciaux entretenus au-delà des océans.

Pourquoi cette biodiversité originaire des pays lointains aurait-elle l’exclusivité du « sauvage » ? Quelle est cette vie méconnue qui grouille dans nos villes ? Des questions auxquelles aspire à répondre l’exposition. Une ode à la biodiversité de la capitale provençale, orchestrée par Anne Médard, conservatrice du musée.

Une nature marseillaise insoupçonnée

Tout ce qui vit en ville, du simple microbe au chat de salon en passant par le cafard, porte en lui un patrimoine génétique et interagit avec ce qui l’entoure. La nature urbaine est définie par cet ensemble d’êtres vivants et d’interactions dans un environnement.

L’être humain, par les espaces qu’il aménage, invente un nouvel écosystème peuplé de nombreux êtres vivants. Un équilibre en constante évolution se crée : les espèces qui ne peuvent survivre en ville disparaissent, tandis que d’autres s’y intègrent parfaitement.

Malgré l’encombrement du milieu urbain, la nature subsiste au cœur de la ville sous forme de nombreux parcs et jardins, de berges fluviales, de plantations de bord de route, de friches et terrains abandonnés. À Marseille, ces espaces de nature constituent un réseau plus ou moins fragmenté, en lien avec les réservoirs que sont les espaces naturels en périphérie.

Les jardins, une nature sous contrôle

Les jardins privatifs, les parcs, ou encore les terrains sportifs en plein air sont des espaces totalement fabriqués. Leurs plantations ornementales et souvent exotiques, ainsi que leur gestion contrôlée, en font des milieux particuliers, qui offrent une diversité d’habitats favorables à tout type d’être vivant. Marseille compte 47 parcs protégés, de plus d’un hectare chacun. Ce réseau végétal permet aux espèces de pénétrer dans la ville, de circuler et de rayonner.

Les jardins partagés, en vogue, participent également de ce réseau. Ils sont des espaces collectifs dont s’occupent les habitants d’un quartier, sur un délaissé de voirie, un pied d’immeuble, ou encore une réserve foncière en attente de projet. La charte des jardins partagés, mise en place par la ville en 2010, impose une pratique respectueuse de l’environnement.

Marseille, réseau de biodiversité

Les corridors écologiques sont des traits d’union, des espaces de continuité et de rencontre entre des réservoirs de biodiversité. Ils permettent de lutter contre l’érosion de la nature en milieu urbain. Aujourd’hui, le plan local d’urbanisme prend en compte les trames biologiques : verte et bleue.

La trame verte est la somme des corridors écologiques et des réservoirs de biodiversité. La qualité de la trame se mesure dans l’état et la quantité des espaces de nature, et des connexions biologiques entre eux.

La trame bleue est composée de toutes les zones d’eau. Marseille est structurée par le canal de la ville et ses trois cours d’eau que sont l’Huveaune, le Jarret et le ruisseau des Aygalades. Ces artères bleues demeurent d’importants corridors écologiques malgré de nombreux aménagements.

Vieille de plus de 2600 ans, Marseille est une ville de contraste, bordée par la mer avec 53 kilomètres de littoral et un espace maritime important, ponctué d’îles. Très étendue, entourée de collines et garrigues, sillonnée par des vallées fluviales et avec un centre-ville très dense, Marseille occupe 24 000 hectares, dont un tiers d’espaces naturels. La vie sauvage y est très présente et diversifiée, aussi bien dans les espaces naturels, les parcs et les friches, que dans les quartiers les plus urbanisés.

Nature et ville, pas toujours compatibles ?

L’urbanisation n’agit pas seulement comme un répulsif pour la nature. La détérioration des milieux naturels liée aux activités humaines a poussé toute une faune à se réfugier en ville. La disponibilité en nourriture due à nos déchets ainsi que les innombrables possibilités de refuge offertes ont définitivement stabilisé certaines espèces en milieu urbain. Parmi elles, beaucoup sont aujourd’hui perçues comme nuisibles, comme les rats.

La reproduction d'un amoncellement de déchets, à l'exposition "Nature en ville".
La reproduction d’un amoncellement de déchets, à l’exposition « Nature en ville ».

Depuis un siècle et sur toute la planète, l’expansion des zones urbaines rapproche les villes du monde sauvage et pose de nombreux problèmes sanitaires, et parfois de sécurité. Entre nature artificialisée et ville transformée en jungle urbaine, la cohabitation de plus en plus vive entre humains et autres espèces réinterroge notre vision de la nature. Entre émerveillement, rivalité et dégoût.

Marseillais, acteurs de la biodiversité

C’est une véritable fièvre verte qui s’est emparée de la France ces dernières décennies. Dans un même élan que le développement des jardins partagés ou l’introduction de jardiniers dans le centre-ville, cultiver sa rue et son quartier est désormais gratuit et accessible pour tous.

La ville de Marseille a notamment mis en place un permis de végétaliser, nommé visa vert, ainsi qu’une charte de végétalisation de l’espace public. Plantes, fleurs et arbustes peuvent ainsi être choyés, se développer, contribuer à l’embellissement du cadre de vie et apporter un peu de nature en ville. Tant de facettes, parfois ignorées et souvent méconnues, de Marseille que l’exposition « Nature en ville » met à l’honneur, jusqu’au 11 mars prochain.

Antoine Ajavon

Auteur·trice