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Le journal école du master journalisme de l'EJCAM

Amine Kessaci : jeune conscience politique des quartiers

Amine a fondé l'association Conscience en juillet 2020. Crédits photo : Amine Kessaci

Amine Kessaci fonde l’association Conscience en 2020, alors qu’il n’a que 16 ans. De la défense des droits de ses camarades de classe au soutien des mamans endeuillées, il œuvre au quotidien pour améliorer la vie dans les quartiers. 

Au début, on m’appelait le babtou,” se souvient Amine. Babtou, verlan de toubab qui signifie « le blanc » en Afrique de l’Ouest, est entré dans le langage des cités pour désigner ceux qui n’en sont pas issus. Amine est d’origine maghrébine mais ses potes l’ont vite catalogué ainsi pour ses passions : à Frais Vallon il n’est pas courant de regarder Public Sénat en rentrant de l’école. Mais Amine est comme ça, à cheval entre plusieurs cultures. Dans sa tour de la plus grande cité de Marseille, où vivent 8 200 personnes, il était habitué au bruit et à voir du monde en permanence. Il est allé au même collège que JUL et il vénère Simone Veil. Il était délégué de sa classe de maternelle et faisait des tours de moto cross avec son grand frère Brahim, dans la colline de Frais Vallon. Ce grand frère qui l’a mis en lumière bien malgré lui, lors d’un drame dont il ne parle que peu. 

Un tournant pour l’association Conscience

Le 29 décembre 2020, Brahim est retrouvé calciné dans une voiture aux Pennes Mirabeau. Il avait déjà échappé à la mort après deux tentatives d’assassinat. Mais le trafic l’a rattrapé. Amine insiste pour que cet évènement soit désigné comme un homicide et non comme un énième « règlement de compte”, terme qui déshumanise les victimes collatérales. Car derrière ces jeunes partis trop tôt, restent des familles, plongées dans la précarité sans le soutien de leur fils ou frère. Ce drame vient renforcer la vocation de Amine. Il avait fondé, six mois plus tôt, l’association Conscience pour venir en aide à son camarade Moutassar du Lycée Brochier à la Capelette, menacé d’expulsion. 

Après la mort de Brahim, l’association devient une cellule d’aide aux mères endeuillées. “Tout passe par les mamans, elles ont une telle force dans nos cités, elles sont motivées,” assure le jeune homme. Amine transforme son association en un vecteur d’émancipation pour les gens qui souffrent dans les quartiers. Il souhaite agir sur tous les domaines qui sont problématiques pour lutter contre un déterminisme social auquel il refuse de croire. Début janvier 2022, Elamine, 21 ans est victime d’un assassinat alors qu’il achetait des fleurs pour sa fiancée. “On a proposé une aide financière de 3500 € à la famille » expose Amine, “‘l’objectif c’est d’être présent et de considérer ces personnes-là”. L’association Conscience organise une collecte pour organiser ses obsèques et met en place un soutien psychologique aux proches du défunt. 

Un engagement politique sans étiquette

Amine reconnaît que son engagement associatif implique un engagement politique. Son association souhaite mettre en place un bus qui naviguera dans les quartiers de Marseille pour encourager les habitants à voter. En décembre 2021, il interpelle les candidats à la présidentielle via le média Konbini. L’équipe de Yannick Jadot est venue à sa rencontre pour écouter ses propositions. Le jeune homme a aussi rencontré Emmanuel Macron grâce au député LREM Saïd Ahamada (7ème circonscription des Bouches-du-Rhône). Mais Amine le répète, il n’adhère à aucun parti : “Je ne me sens pas représenté par les partis politiques traditionnels, ils traînent trop de casseroles derrière eux.” Amine garde pourtant à l’idée que le combat qu’il mène à travers son association va devoir s’incarner en politique : “Il va falloir faire en sorte qu’un jour on soit représenté dans les institutions ». 

Mais avant de représenter les jeunes dans les institutions lui-même, Amine les encourage à aller voter. Il compte mettre en place un bus qui naviguera dans les quartiers pour sensibiliser les jeunes au vote.

Quand Amine regarde  son parcours, il se dit qu’il a de la chance d’être allé à l’école à l’extérieur de Frais Vallon. “La vie ne se résume pas qu’à la cité, elle ne se résume pas à être enfermée dans les ghettos, la ville appartient à tout le monde,” se persuade-t-il. A 18 ans, Amine s’apprête à découvrir d’autres villes, en premier lieu desquelles Paris, où il rêve d’intégrer Sciences Po.

L’association lycéenne « conscience » menée par Aminé Kessaci, recrute des bénévoles pour un ramassage de déchets à la station de métro Frais Vallon, été 2020. Crédits : Alice Margaillan

L’association Conscience rassemble 700 adhérents, devient régionale et a une ambition nationale  en créant des comités dans plusieurs autres villes (Cavaillon, Sénas) et  agit sur 4 grands thèmes : 

  • la solidarité : cellule psychologique de soutien aux mamans endeuillées dans les quartiers et soutien juridique / aide financière et regroupe les distributions alimentaires (partenariat Après M)
  • jeunesse : incitation à aller voter, aide à l’insertion professionnelle, sensibiliser contre l’homophobie et les discriminations de genre dans les quartiers, sensibiliser contre la radicalisation
  • cadre de vie : mobiliser les habitants des quartiers nords pour le ramassage des déchets, 
  • actualité : représenter la jeunesse des quartiers dans les médias.

Auteur·trice
Chloé Arzouni

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